La Sorcière
d'aimer et de donner le bonheur. Elle, généralement si sobre, en comparaison de l'homme, elle qui n'est presque partout qu'herbivore et frugivore, qui donne si peu à la nature, qui, par un régime lacté, végétal, a la pureté de ces innocentes tribus, elle demandait presque pardon d'être, de vivre, d'accomplir les conditions de la vie. Humble martyr de la pudeur, elle s'imposait des supplices, jusqu'à vouloir dissimuler, annuler, supprimer presque ce ventre adoré, trois fois saint, d'où le dieu homme naît, renaît éternellement.
La médecine du moyen âge s'occupe uniquement de l'être supérieur et pur (c'est l'homme), qui seul peut devenir prêtre, et seul à l'autel fait Dieu.
Elle s'occupe des bestiaux ; c'est par eux que l'on commence. Pense-t-on aux enfants ? Rarement. Mais à la femme ? Jamais.
Les romans d'alors, avec leurs subtilités, représentent le contraire du monde. Hors des cours, du noble adultère, le grand sujet de ces romans, la femme est partout la pauvre Grisélidis, née pour épuiser la douleur, souvent battue, soignée jamais.
Il ne faut pas moins que le Diable, ancien allié de la femme, son confident du Paradis, il ne faut pas moins que cette sorcière, ce monstre qui fait tout à rebours, à l'envers du monde sacré, pour s'occuper de la femme, pour fouler aux pieds les usages, et la soigner malgré elle. La pauvre créature s'estimait si peu !... Elle reculait, rougissait, ne voulait rien dire. La sorcière, adroite et maligne, devina et pénétra. Elle sut enfin la faire parler, tira d'elle son petit secret, vainquit ses refus, ses hésitations de pudeur et d'humilité. Plutôt que de subir telle chose, elle aimait mieux presque mourir. La barbare sorcière la fit vivre.
31. On imputa la lèpre aux croisades, à l'Asie, L'Europe l'avait en elle-même. La guerre que le moyen âge déclara et à la chair, et à la propreté, devait porter son fruit. Plus d'une sainte est vantée pour ne s'être jamais lavé même les mains. Et combien moins le reste ! La nudité d'un moment eût été grand péché. Les mondains suivent fidèlement ces leçons du monachisme. Cette société subtile et raffinée, qui immole 1e mariage et ne semble animée que de la poésie, elle garde sur ce point si innocent un singulier scrupule. Elle craint toute purification comme une souillure. Nul bain pendant mille ans ! Soyez sûr que pas un de ces chevaliers, de ces belles si éthérées, les Parceval, les Tristan, les Iseult, ne se lavaient jamais. De là un cruel accident, si peu poétique, en plein roman, les furieuses démangeaisons du treizième siècle.
32. C'est le nom poli, craintif, qu'on donnait aux sorcières.
33. L'ingratitude des hommes est cruelle à observer. Mille autres plantes sont venues. La mode a fait prévaloir cent végétaux exotiques. Et ces pauvres Consolantes qui nous ont sauvés alors, on a oublié leurs bienfaits ! — Au reste, qui se souvient ? qui reconnaît les obligations antiques de l'humanité pour la nature innocente ? L' Asclépias acida , S arcostemma (la plante-chair), qui fut pendant cinq mille ans l' hostie de l'Asie , et son dieu palpable, qui donna à cinq cent millions d'hommes le bonheur de manger leur dieu, cette plante que le moyen âge appela le Dompte-Venin (Vince-venenum), elle n'a pas un mot d'histoire dans nos livres de botanique. Qui sait ? dans deux mille ans d'ici, ils oublieront le froment. V. Langlois, sur la soma de l'Inde, et le hom de la Perse. Mém. de l'Ac. des Inscriptions , XIX, 326
34. Dict. d'hist. nat . de M. d'Orbigny, article Morelles de M. Duchartre, d'après Dunal, etc.
35. Je n'ai trouvé cette échelle nulle part. Elle est d'autant plus importante, que les sorcières qui firent ces essais, au risque de passer pour empoisonneuses, commencèrent certainement par les plus faibles et allèrent peu à peu aux plus fortes. Chaque degré de force donne ainsi une date relative, et permet d'établir dans ce sujet obscur une sorte de chronologie. Je compléterai aux chapitres suivants, en parlant de la Mandragore et du Datura. — J'ai suivi surtout : Pouchet, Solanées et Botanique générale . M. Pouchet, dans son importante monographie, n'a pas dédaigné de profiter des anciens auteurs, Matthiole, Porta, Gessner, Sauvages, Gmelin, etc.
36. Voir la planche d'un excellent livre, lisible aux demoiselles même, le Cours de M. Auzoux.
37. Madame La Chapelle et M. Chaussier ont fort utilement renouvelé ces pratiques
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