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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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mais ces vigoureux génies n'ont pas la fluidité, la puissance populaire. Satan retourne à son Ève. La femme est encore au monde ce qui est le plus nature. Elle a et garde toujours certains côtés d'innocence malicieuse qu'a le jeune chat et l'enfant de trop d'esprit. Par là, elle va bien mieux à la comédie du monde, au grand jeu où se jouera le Protée universel.
    Mais qu'elle est légère, mobile, tant qu'elle n'est pas mordue et fixée par la douleur ! Celle-ci, proscrite du monde, enracinée à sa lande sauvage, donne prise. Reste à savoir si, froissée, aigrie, avec ce cœur plein de haine, elle rentrera dans la nature et les douces voies de la vie ? Si elle y va, sans nul doute, ce sera sans harmonie, souvent par les circuits du mal. Elle est effarée, violente, d'autant plus qu'elle est très-faible, dans le va-et-vient de l'orage.
    Lorsqu'aux tiédeurs printanières, de l'air, du fonds de la terre, des fleurs et de leurs langages, lu révélation nouvelle lui monte de tous côtés, elle a d'abord le vertige. Son sein dilaté déborde. La sibylle de la science a sa torture, comme eut l'autre, la Cumæa, la Delphica. Les scolastiques ont beau jeu de dire : « C'est l' aura , c'est l'air qui la gonfle, et rien de plus. Son amant, le Prince de l'air, l'emplit de songes et de mensonges, de vent, de fumée, de néant. » Inepte ironie. Au contraire, la cause de son ivresse, c'est que ce n'est pas le vide, c'est le réel, la substance, qui trop vite a comblé son sein.
     
    Avez-vous vu l'Agave, ce dur et sauvage Africain, pointu, amer, déchirant, qui, pour feuilles, a d'énormes dards ? Il aime et meurt tous les dix ans. Un matin, le jet amoureux, si longtemps accumulé dans la rude créature, avec le bruit d'un coup de feu, part, s'élance vers le ciel. Et ce jet est tout un arbre qui n'a pas moins de trente pieds, hérissé de tristes fleurs.
    C'est quelque chose d'analogue que ressent la sombre sibylle quand, au matin d'un printemps tardif, d'autant plus violent, tout autour d'elle se fait la vaste explosion de la vie.
    Et tout cela la regarde, et tout cela est pour elle. Car chaque être dit tout bas : « Je suis à qui m'a compris. »
    Quel contraste !... Elle, l'épouse du désert et du désespoir, nourrie de haine, de vengeance, voilà tous ces innocents qui la convient à sourire. Les arbres, sous le vent du sud, font doucement la révérence. Toutes les herbes des champs, avec leurs vertus diverses, parfums, remèdes ou poisons (le plus souvent c'est même chose), s'offrent, lui disent : « Cueille-moi. »
    Tout cela visiblement aime. « N'est-ce pas une dérision ?... J'eusse été prête pour l'enfer, non pour cette fête étrange... Esprit, es-tu bien l'Esprit de terreur que j'ai connu, dont j'ai la trace cruelle (que dis-je ? et qu'est-ce que je sens ?), la blessure qui bride encore...
     Oh ! non, ce n'est pas l'Esprit que j'espérais dans ma fureur : «  Celui qui dit toujours Non . » Le voilà qui dit un Oui d'amour, d'ivresse et de vertige... Qu'a-t-il donc ? Est-il l'âme folle, l'âme effarée de la vie ?
     On avait dit le grand Pan mort. Mais le voici en Bacchus, en Priape, impatient, par le long délai du désir, menaçant, brûlant, fécond... Non, non, loin de moi cette coupe. Car je n'y boirais que le trouble, qui sait ? un désespoir amer par dessus mes désespoirs ? »
    Cependant, où parait la femme, c'est l'unique objet de l'amour. Tous la suivent, et tous pour elle méprisent leur propre espèce. Que parle-t-on du bouc noir, son prétendu favori ? Mais cela est commun à tous. Le cheval hennit pour elle, rompt tout, la met en danger. Le chef redouté des prairies, le taureau noir, si elle passe et s'éloigne, mugit de regret. Mais voici l'oiseau qui s'abat, qui ne veut plus de sa femelle, et, les ailes frémissantes, sur elle accomplit son amour.
    Nouvelle tyrannie de ce Maître, qui, par le plus fantasque coup, de roi des morts qu'on le croyait, éclate comme roi de la vie.
    « Non, dit-elle, laissez-moi ma haine. Je n'ai demandé rien de plus. Que je sois redoutée, terrible... C'est ma beauté, celle qui va aux noirs serpents de mes cheveux, à ce visage sillonné de douleurs, des traits de la foudre... » Mais la souveraine Malice, tout bas, insidieusement : « Oh ! que tu es bien plus belle ! Oh ! que tu es plus sensible, dans ta colérique fureur !... Cric, maudis ! C'est un aiguillon... Une tempête appelle l'autre. Glissant,

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