La Traque des Bannis
hurla de douleur et donna un coup de sabot vers l’arrière – vaine tentative pour atteindre son assaillant, lequel avait déjà reculé. Lorsque les pattes du taureau retombèrent sur le sol, Caracole pivota et rua à son tour, frappant de ses sabots arrière la croupe déjà blessée du bovidé.
Ce fut la goutte d’eau. Le taureau terrorisé beugla et partit à toute allure vers le champ. Alarmé par ses cris, le troupeau le suivit et, bientôt, leurs meuglements se mêlèrent au martèlement de leurs sabots.
— Allez ! hurla Halt en lançant Abelard au galop derrière le bétail, tout en se servant de son arc pour fouetter les bêtes au passage.
Will se mit en route à son tour sur l’autre flanc du troupeau, afin d’empêcher les vaches de se disperser.
Quand la débandade débuta, les premiers Scotti venaient d’émerger des bois. À la vue des bêtes qui chargeaient dans leur direction, ils hésitèrent avant de rebrousser chemin, se cognant, dans leur sillage, à leurs compagnons. Quelques-uns eurent la présence d’esprit de fuir sur les côtés. Halt tira alors sur les rênes d’Abelard, se redressa sur ses étriers et encocha une flèche, qui fusa, bientôt suivie de trois autres.
Deux des pillards tombèrent dans les hautes herbes. Will imita son ancien maître ; les autres Scotti comprirent rapidement le danger de la situation. Menacés par les traits des deux Rôdeurs, ils se regroupèrent, pris au dépourvu. Quelques secondes plus tard, le troupeau paniqué les heurta de plein fouet.
L’impact des cornes, des sabots et des corps musclés des bêtes dispersa les Scotti comme un jeu de quilles. Alors qu’ils s’effondraient, les vaches continuèrent sur leur lancée et celles qui se trouvaient à l’arrière piétinèrent les hommes déjà à terre.
Une fois les bovidés passés, une bonne moitié de la bande scotti gisait sur le sol, l’autre ayant réussi à s’échapper à la lisière du bois, où la végétation était plus dense.
Quand elles atteignirent la forêt, les vaches prirent un virage à droite et poursuivirent leur route sans cesser de meugler. Halt prépara une autre flèche et se tourna à demi vers les pillards dissimulés derrière les arbres. Autour de lui, quelques survivants se relevaient pour rejoindre leurs compagnons en boitant, tandis que certains ne pouvaient que ramper. Presque aucun n’était indemne. Trois hommes allongés ne bougeaient plus, frappés par les traits des Rôdeurs.
— Rentrez à Picta ! leur cria Halt. La moitié de vos guerriers sont morts ou blessés ! Lorsque les paysans du coin seront informés de votre présence, ils vous traqueront dans toute la campagne. À présent, filez !
Le chef de la bande avait été tué sous les sabots du troupeau. Son second observa la silhouette lugubre du cavalier qui venait de s’adresser à eux. Au même instant, un second individu, vêtu d’une cape identique et armé lui aussi d’un arc, vint se placer près de lui.
Le Scotti savait que le succès d’une attaque reposait sur la rapidité à agir et sur l’effet de surprise. Il fallait frapper vite. Tuer, brûler et repartir en emportant le bétail. Puis franchir de nouveau la frontière avant que l’ennemi ait le temps de s’organiser ou même de se rendre compte que des pillards se trouvaient dans les parages.
Désormais, ses hommes et lui ne pouvaient plus compter sur aucun de ces atouts. Et dès que les gens du coin les auraient repérés, les Scotti – boitillant, vacillant et chargés de blessés – deviendraient des cibles faciles. À aucun moment l’idée d’abandonner ses compagnons incapables de marcher ne traversa l’esprit du guerrier. Ce n’était pas dans l’habitude des siens.
Par ailleurs, il avait pris conscience de la dextérité peu commune des deux archers qui lui faisaient face. S’ils se mettaient à décocherleurs traits, il perdrait cinq ou six hommes de plus en quelques secondes. Il secoua la tête, de frustration et de désespoir, et fit signe aux autres Scotti de le suivre dans le bois.
Will poussa un long soupir de soulagement.
— C’était un bon plan, qui a fonctionné comme prévu.
Le vieux Rôdeur haussa les épaules.
— Oh, c’était facile. Il suffit de savoir affoler un troupeau. Tiens, j’ai l’impression que nous avons de la compagnie, ajouta-t-il en indiquant la ferme.
Près de l’enclos, Horace, appuyé contre le flanc de Caracole, se tenait les côtes. Derrière la maison,
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