La Traque des Bannis
Tu n’étais pas sérieux quand tu as menacé de brûler sa ferme, j’espère ?
Le Rôdeur lui décocha un regard mauvais.
— N’en sois pas si sûr.
Halt avait espéré retrouver la piste de Tennyson avant la nuit, mais les journées étaient courtes dans le nord. Constatant que le soleil sombrait déjà derrière la cime des arbres et que les ombres envahissaient la campagne, il tira sur ses rênes et indiqua un terrain découvert le long de la piste qu’ils suivaient.
— Nous allons camper ici, déclara-t-il. Inutile de chevaucher à tâtons dans l’obscurité. Nous repartirons à l’aube.
— Pouvons-nous prendre le risque d’allumer un feu ? s’enquit Horace.
— Aucune raison de s’en priver, répondit le vieux Rôdeur. Les Bannis ont pris beaucoup d’avance. Et même s’ils aperçoivent une lueur, ils n’ont aucune raison de se croire poursuivis.
Après qu’ils se furent occupés des chevaux, Horace s’en alla ramasser du bois et Will dépouilla les deux lapins qu’il avait abattus en fin d’après-midi, lesquels étaient assez dodus pour lui mettre l’eau à la bouche. Il les dépeça, ne gardant que les morceaux les plus charnus, puis il ouvrit son sac de selle qui contenait des victuailles – quand ils voyageaient, les Rôdeurs se contentaient souvent de viande séchée et de pain dur, mais dès qu’ils avaient l’occasion de faire un repas copieux, ils s’assuraient d’avoir de quoi l’accompagner. Will songea àfaire rôtir ses proies au-dessus des flammes avant d’écarter cette idée. Il avait envie d’un plat plus élaboré.
Il coupa des oignons et des pommes de terre en petits cubes, plaça un récipient de métal sur les braises du feu qu’Horace venait d’allumer et y versa une petite quantité d’huile dans laquelle il déposa les oignons. Lorsqu’ils commencèrent à grésiller, il ajouta une gousse d’ail écrasée et les morceaux de lapin, saupoudra le tout d’une pincée d’épices dont les arômes se libérèrent peu à peu. Entre-temps, Halt et Horace s’étaient installés autour du feu ; affamés, ils observaient Will s’affairer. Les effluves du ragoût emplissaient l’air et leurs ventres ne cessaient de gargouiller. Après tout, la journée avait été longue et difficile.
— Voilà pourquoi j’aime partir en promenade avec des Rôdeurs, déclara Horace. Parfois, on réussit à ne pas trop mal manger.
— Rares sont les Rôdeurs qui ont droit à de si bons repas, murmura Halt. Will est particulièrement doué pour cuisiner le lapin.
Le jeune Rôdeur versa de l’eau dans le récipient et, lorsqu’elle se mit à frémir, il y plongea les cubes de pommes de terre. Quand la préparation commença à bouillir, il jeta un coup d’œil à Halt. Celui-ci hocha la tête et tira de son sac de selle une petite bouteille de vin rouge. Will en ajouta une généreuse rasade au ragoût.
Au bout d’un moment, il huma la vapeur qui s’en échappait, acquiesça, satisfait du résultat, et plaça la bouteille sur le côté.
— J’en aurai peut-être encore besoin.
— Tant que tu veux, répondit Halt. Elle est là pour ça.
À l’instar de la plupart des Rôdeurs, Halt buvait rarement du vin.
Le plat fut prêt deux heures plus tard, et ils le dégustèrent avec plaisir. La viande parfumée était si tendre qu’elle se détachait des os. Un peu plus tôt, Halt avait mélangé de la farine à de l’eau et à du sel pour former un rond de pâte qu’il avait enfoui dans les cendres. Une fois cuite, Halt épousseta la miche dorée et en distribua des morceaux pour accompagner le ragoût.
— Ce pain est bon, marmonna Horace, la bouche pleine. Je n’en avais jamais mangé.
— C’est une recette de berger hibernien, expliqua Halt. Mieux vaut le manger chaud, dès qu’il sort du feu. Froid, il est un peu fade.
Après ce copieux repas, ils se regroupèrent autour de la carte du vieux Rôdeur.
— Tennyson et sa bande se dirigeaient par là, précisa ce dernier en traçant du doigt une courbe vers le sud-est. Pour le moment, nous essayons de revenir à l’endroit où nous avons cessé de les poursuivre pour prendre les Scotti en chasse. À mon avis, les Bannis ont gardé le même cap. Pour éviter de perdre davantage de temps, je vous propose de couper ainsi, précisa-t-il en indiquant une trajectoire qui croisait la route de Tennyson, ce qui nous permettrait de les rejoindre demain en milieu de journée.
— À moins qu’ils ne changent de
Weitere Kostenlose Bücher