La Traque des Bannis
direction, intervint Will.
— C’est un risque à prendre, bien entendu. Mais pourquoi agiraient-ils ainsi ? Ils ne se doutent pas que nous sommes sur leurs traces. Et si j’ai fait erreur, il nous suffira de retourner à l’endroit où nous avons vu leur piste pour la dernière fois.
— Cependant, si nous nous sommes trompés, nous perdrons deux jours au moins, l’avertit son ancien apprenti.
— Et si nous sommes dans le vrai, nous gagnons une journée, répliqua Halt.
Horace suivait attentivement la discussion, résolu à faire confiance aux deux Rôdeurs, quoi qu’ils décident. Il savait aussi que, désormais, Halt était prêt à écouter Will – alors que, par le passé, le vieux Rôdeur prenait des initiatives sans le consulter. À l’évidence, Will avait acquis le respect de son ancien maître.
Horace jeta un coup d’œil au parchemin : soudain, un nom le frappa. Il se pencha en avant et posa le doigt à cet emplacement.
— Regardez, voici MacIndaw. Je me disais bien que cette campagne me rappelait quelque chose. Le fief est à l’est. Nous passerons vraiment tout près.
— Il serait amusant de s’y arrêter pour prendre des nouvelles de tout le monde, ajouta Will.
— Nous n’avons pas le temps de faire des mondanités, grommela Halt.
Will afficha un grand sourire.
— Je le sais bien. Seulement, si nous avions pu… cela m’aurait plu.
Halt poussa un grognement et roula la carte. Will connaissait bien les sautes d’humeur du vieux Rôdeur : il savait que cette mine bourrue trahissait l’inquiétude – car Halt prenait un risque en choisissant de partir vers le sud-est sans revenir en arrière pour retrouver la piste des Bannis.
Le jeune homme eut un sourire discret. Lorsqu’il était encore un apprenti, jamais il n’aurait cru que son maître puisse avoir des doutes. Il lui paraissait infaillible. Il savait à présent que Halt était doté d’une force de caractère plus grande encore : la capacité à prendre une décision et à s’y tenir en dépit de ses incertitudes.
— Nous les rattraperons, Halt, dit Will. Ne t’en fais pas.
Halt lui adressa un sourire lugubre.
— Merci de me rassurer, je vais mieux dormir que prévu, rétorqua-t-il.
****
Ils levèrent le camp très tôt. Pour le petit déjeuner, ils se contentèrent de tisane et du pain qui restait, grillé sur les braises et agrémenté de miel. Après avoir jeté de la terre sur le feu pour l’étouffer, ils enfourchèrent leurs montures et se mirent en route.
Les heures passèrent. Le soleil monta au zénith, puis commença à décliner vers l’ouest. En début d’après-midi, ils croisèrent un sentier qui partait vers le sud. Pour Horace, cette piste n’était pas différente des trois ou quatre autres qu’ils avaient déjà aperçues, mais Will descendit de cheval et examina le sol.
— Halt ! appela-t-il.
Le vieux Rôdeur le rejoignit.
Il y avait en effet des marques indiquant que des voyageurs étaient passés en cet endroit. En retrait du sentier, où la terre était plus humide, Will effleura une empreinte aux contours plus définis que les autres : il s’agissait d’une trace de botte, dont la semelle était bordée d’un motif triangulaire.
— Tu la reconnais, n’est-ce pas ?
Halt poussa un soupir soulagé.
— Oui, dans le défilé du Corbeau Solitaire. C’est bien la bande de Tennyson.
Maintenant que son hypothèse se confirmait, les doutes qui l’avaient tracassé depuis la veille s’évanouissaient. Le choix du raccourci n’avait pas été sans risque. S’il leur avait fallu retourner à l’endroit où ils avaient abandonné la piste des Bannis, plusieurs incidents auraient pu leur faire obstacle – par exemple, un orage ou une forte pluie qui aurait effacé toute trace.
— Ils sont visiblement à moins de deux journées d’ici, déclara-t-il, satisfait.
Mais Will, qui étudiait un autre tronçon du sentier, annonça brusquement :
— Ils ont des chevaux !
Il venait de découvrir plusieurs séries d’empreintes de sabots dans la terre meuble et dans l’herbe.
— Dieu seul sait à quel pauvre fermier des environs ils ont volé ces montures, reprit-il. Il n’y en a cependant que trois ou quatre et le gros de la troupe continue d’aller à pied. Nous pourrions les rattraper demain.
— Halt, intervint Horace. J’ai pensé…
— Une activité dangereuse ! s’exclamèrent en chœur les deux Rôdeurs, tout en échangeant un coup d’œil amusé.
Des
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