La Traque des Bannis
un carré d’herbe humide et piétiné, il vit l’empreinte d’un talon de botte aux contours parfaitement définis.
— Qu’en penses-tu ? s’enquit Halt.
Quelque chose clochait, songea Will, et la question de son ancien maître confirmait que celui-ci partageait ses soupçons. Le jeune Rôdeur visualisa les indices qu’ils avaient croisés auparavant : quelques traces dans la boue, des brins d’herbe aplatis, presque invisibles. Mais à présent, comme par hasard, il y avait des bouts de tissu, un bouton, des empreintes profondes. Et ces marques, que même Horace aurait été capable de déceler, pointaient toutes dans une seule direction : la forêt noyée.
— Tout cela me paraît beaucoup trop… flagrant, finit-il par répondre.
— Tu as raison. C’est très commode, n’est-ce pas ? dit Halt en contemplant les arbres gris.
— Ils voulaient que nous trouvions ces traces, constata Will.
Son mentor hocha lentement la tête.
— Oui, mais pourquoi ?
— Pour que nous les suivions, déclara le chevalier, lui-même légèrement surpris d’avoir réussi à comprendre le raisonnement de ses deux compagnons.
Halt lui adressa un grand sourire.
— Exactement, Horace. J’ai l’impression que porter cette cape te permet de réfléchir comme un Rôdeur ! Ils cherchaient à s’assurer que nous partirions de ce côté, ajouta-t-il en indiquant la forêt. Et ce, pour une raison précise.
— Ils nous y attendent, affirma Will.
Lui aussi observait l’étendue qui leur faisait face, en quête du moindre mouvement, d’un signe inhabituel parmi les arbres morts. Il dut cligner des yeux à plusieurs reprises, car les troncs ne semblaient former qu’une seule masse compacte.
— À la place des Génovésiens, j’aurais procédé de la même manière, dit Halt. Je me serais malgré tout montré un peu plus subtil qu’eux… du moins je l’espère. Ces indices flagrants sont une insulte à mon intelligence.
— Comment le sauraient-ils ? intervint Horace. Il est rare qu’ils aient affaire à des Rôdeurs. Ils ignorent que vous êtes capables de déceler les empreintes qu’un moineau sèmerait sur un sol rocailleux.
Halt et Will le dévisagèrent avec méfiance.
— Est-ce une remarque sarcastique ? demanda le vieux Rôdeur.
— Ça m’en a tout l’air, renchérit Will.
— Essaies-tu de te montrer sarcastique, Horace ? insista Halt.
Le jeune chevalier réprima un sourire. En vain.
— Nullement, Halt. Je n’ai montré que le respect dû à vos aptitudes étonnantes. Presque surnaturelles, il faut bien le dire.
— C’est effectivement du sarcasme, déclara Will.
Horace haussa les épaules avec hésitation.
— Plutôt de l’ironie, il me semble.
— Quoi qu’il en soit, reprit Halt, notre sarcastique ami – ou plutôt notr e ironiq ue ami – n’a pas tort : les Génovésiens n’ont peut-être aucune idée de nos compétences de pisteurs. Et même s’ils s’en doutent, ils ont voulu mettre toutes les chances de leur côté. Sinon, ils ne nous auraient pas ainsi mâché le travail.
— Que faisons-nous, à présent ? questionna Horace.
— Tu vas conduire les chevaux à quelques centaines de mètres d’ici et nous attendre. Will et moi, nous allons nous charger de ces maudits Génovésiens.
— Arrêtez un peu, Halt ! protesta Horace, les bras tendus, en s’approchant du Rôdeur. J’admets que mes remarques étaient un tantinet moqueuses, mais ce n’est pas une raison pour me tenir à l’écart. Vous pouvez me faire confiance !
Halt secouait déjà la tête. Il posa la main sur le bras du jeune guerrier pour le tranquilliser.
— Loin de moi l’idée de t’infliger une punition, Horace. Sache que je te fais confiance, autant qu’à Will. Seulement, ce n’est pas la sorte de combat auquel tu es entraîné. De plus, tu n’es pas armé pour ce genre de situation.
D’instinct, le chevalier porta la main au pommeau de son épée.
— Bien sûr que si, je suis armé ! insista-t-il. Laissez-moi seul face à ces maudits assassins, et ils comprendront que je suis suffisamment armé ! Je crois que ça me plairait d’avoir le meurtrier de Ferris à la pointe de ma lame.
— Il ne s’agira pas d’un combat rapproché, tenta de le raisonner Halt. Voilà pourquoi je préfère que tu patientes. Ces hommes tuent de loin. Grâce à nos arcs, Will et moi les affronterons sur un pied d’égalité. Mais toi, tu ne parviendrais pas à les approcher. Ils te transperceraient de
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