La Traque des Bannis
maintenant ?
D’un bref signe de tête, le vieux Rôdeur indiqua l’étroit sentier qui, serpentant entre les troncs massifs, se dirigeait vers le sud-est.
— Ils ont laissé d’autres indices.
Will aperçut un petit morceau de tissu accroché au bout d’une branche cassée.
— Et ils continuent de manquer de subtilité, constata le jeune homme.
Tous deux, ignorant si l’ennemi se trouvait à proximité, chuchotaient.
— En chemin, j’ai aussi vu nombre d’empreintes, si profondes qu’on pourrait croire qu’un géant les a laissées… renchérit Halt.
Will effleura du bout des doigts l’herbe drue, la terre sèche et dure.
— Le sol est pourtant loin d’être meuble.
— En effet. Encore une fois, ces indices n’ont rien d’une coïncidence.
— Ils veulent que nous les suivions, ajouta Will.
Un léger sourire apparut sur les lèvres du vieux Rôdeur.
— Bien sûr.
— Nous allons cependant procéder différemment, pas vrai ?
Cela lui semblait logique : si l’adversaire tentait de vous attirer dans un piège, mieux valait l’éviter.
— Toi, en tout cas. Pas moi.
Son ancien apprenti s’apprêtait à protester quand Halt leva la main pour l’en empêcher.
— Si nous leur donnons l’impression qu’ils nous ont dupés, ils gagneront sans doute de l’assurance, ce qui nous fournira un atout, expliqua-t-il sans cesser de fouiller la forêt des yeux.
— Je comprends, reconnut Will, mais je…
Une fois de plus, Halt l’interrompit.
— Nous pourrions passer des jours ici sans les trouver pendant que Tennyson en profiterait pour s’échapper. Mieux vaut obliger les Génovésiens à se dévoiler. C’est un risque à prendre. Après tout, nous n’avons aucune certitude de leur présence ici. Peut-être ont-ils anticipé sur ce que nous allions faire : ils auront alors laissé tous ces indices fort commodes afin de nous leurrer avant de filer en sachant que nous perdrions un temps fou à les chercher. En pure perte.
Will fronça les sourcils. Cette éventualité ne lui avait pas traversé l’esprit.
— Tu les crois capables d’un tel plan ?
Halt secoua lentement la tête.
— Non. Ils sont dans cette forêt. J’en ai l’intuition. Malgré tout, l’inverse est toujours possible.
Derrière eux, un grincement lugubre se fit entendre, plus sonore que les autres. Will pivota sur ses talons tout en levant son arc. Une nouvelle fois, il sentit son estomac se nouer ; où se trouvait donc l’ennemi ? Quand déciderait-il enfin de se montrer ? Halt se pencha vers lui et murmura :
— Nous allons attendre environ une heure. Cette position est avantageuse, nous y sommes protégés. Voyons ce qu’ils comptent faire quand ils nous sauront ici.
— Penses-tu qu’ils vont bouger ?
— Non, ils sont trop bien entraînés pour cela ; ça vaut quand même la peine d’essayer. Dans une heure, le soleil commencera à baisser et les ombres s’allongeront – ce qui jouera en notre faveur.
— En leur faveur aussi, remarqua Will.
— Ils sont habiles, mais pas autant que nous, répliqua le vieux Rôdeur. Ils sont plutôt accoutumés aux villes, où ils peuvent se fondre dans les foules. Sans parler de nos capes, dont les teintes s’accordentmieux au paysage environnant que les leurs. Par conséquent, nous allons patienter pendant une heure.
— Et ensuite ?
— Je me mettrai à suivre la piste qu’ils ont laissée.
Halt, voyant que Will était sur le point de protester, s’empressa d’ajouter :
— Je serai prudent, ne t’inquiète pas. Ce ne sera pas la première fois que je me trouverai dans pareille situation, tu sais.
À contrecœur, son ancien apprenti lui adressa un sourire.
— J’ai dit quelque chose d’amusant ? s’étonna Halt.
— Eh bien… commença Will, hésitant. Juste avant notre départ de Montrouge, Dame Pauline m’a parlé… de toi.
Halt haussa aussitôt un sourcil.
— Et que t’a-t-elle raconté, au juste ?
— En fait… elle m’a demandé de prendre soin de toi, expliqua le jeune homme, mal à l’aise.
Halt hocha la tête à plusieurs reprises, tout en s’efforçant de digérer cette nouvelle.
— Il est touchant de constater à quel point elle te fait confiance, finit-il par rétorquer. Et de voir le peu de confiance qu’elle me témoigne.
Will, qui regrettait d’avoir abordé le sujet, comprit qu’il valait mieux ne pas en dire davantage, mais Halt n’avait visiblement pas l’intention de laisser tomber cette
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