La Vallée des chevaux
continent. Il n’était pas rare de rencontrer dans ce paysage plat à perte de
vue des ravins à pic et des rivières encaissées dans des gorges. Les rivières
apportaient de l’humidité et les gorges abritaient du vent : même au cœur
des steppes arides, il existait des vallées verdoyantes.
On était maintenant au cœur de l’été et, plus les jours
passaient, moins Ayla avait envie de poursuivre sa route. Elle en avait assez
de la monotonie des steppes, du soleil implacable, du vent incessant. Sa peau
était sèche, rugueuse, et pelait, ses lèvres étaient gercées, ses yeux
enflammés et sa gorge constamment irritée par la poussière. Les rares vallées
qu’elle rencontrait sur sa route étaient plus verdoyantes que les steppes et
ombragées par des arbres, mais elle n’avait pas pour autant envie de s’y
arrêter. Et aucune d’elles n’était habitée par l’homme.
Il n’y avait aucun nuage dans le ciel et pourtant l’ombre de
l’hiver semblait déjà planer sur les steppes. Ayla était inquiète, elle pensait
aux journées glaciales qui n’allaient pas tarder à revenir. Pour les affronter,
il fallait des réserves de nourriture et trouver un abri. Elle s’était mise en
route au début du printemps et, comme ses recherches n’avaient pas abouti, elle
en venait à se demander si elle était condamnée à errer à jamais – ou
alors mourir.
Au soir d’un jour qui ressemblait au précédent, elle établit son
camp dans un endroit où il n’y avait pas d’eau. La braise de bois qu’elle
transportait s’était éteinte et le bois était si rare alentour qu’elle n’eut
pas le courage d’allumer du feu. Elle avait tué une marmotte dont elle mangea
un morceau cru, et sans aucun appétit. Puis elle jeta ce qui restait de
l’animal bien que le gibier se fit rare. La cueillette, elle aussi, devenait de
jour en jour plus difficile, car le sol disparaissait sous les plantes sèches.
Sans parler du vent qui n’arrêtait pas de souffler.
Cette nuit-là, elle dormit mal, fit de mauvais rêves et se
réveilla fatiguée. Ce qui restait de la marmotte avait disparu pendant son
sommeil et elle n’avait rien à manger. Elle but un peu d’eau de sa gourde,
saisit son panier et se remit en route, toujours en direction du nord.
A midi, elle s’arrêta au bord d’un torrent presque à sec dans le
lit duquel il y avait encore quelques flaques et, malgré le goût un peu âcre de
l’eau, remplit sa gourde. Elle déterra quelques racines de massettes,
douceâtres et filandreuses, qu’elle mâchonna en repartant. Elle n’avait pas
particulièrement envie de marcher, mais que faire d’autre ? Déprimée et
fatiguée, elle avançait sans regarder où elle allait quand elle fut soudain
rappelée à l’ordre par le rugissement d’un lion des cavernes qui se dorait au
soleil au milieu de ses congénères.
Son sang ne fit qu’un tour et, revenant aussitôt sur ses pas,
elle obliqua vers l’ouest pour quitter le territoire des lions. Fini de voyager
en direction du nord ! Elle était sous la protection de l’esprit du Lion
des Cavernes – mais non à l’abri de l’animal lui-même. Et, si ce
dernier avait l’occasion de se jeter sur elle, il n’hésiterait pas une seconde.
Ayla avait déjà été attaquée par un lion des cavernes et depuis,
elle portait quatre longues cicatrices parallèles sur la cuisse gauche. C’est
grâce à ces cicatrices que Creb avait pu déterminer quel était son totem. Elle
revoyait d’ailleurs régulièrement en rêve la gigantesque patte armée de griffes
qui s’était avancée dans l’anfractuosité du rocher où elle s’était cachée alors
qu’elle avait cinq ans. Elle avait à nouveau fait ce rêve la nuit précédente.
Creb lui avait expliqué que sa rencontre avec le lion était une mise à
l’épreuve : elle avait été jugée digne de ce totem et les marques qu’elle
portait sur la jambe en étaient le témoignage.
Je me demande pourquoi le Lion des Cavernes m’a choisie ?
se dit-elle en touchant sans y penser ses cicatrices.
Le soleil se couchait, Ayla marchait maintenant vers l’ouest,
aveuglée par ses derniers rayons. Elle avait suivi une longue déclivité dans
l’espoir de découvrir une rivière mais n’avait trouvé aucune trace d’eau. Elle
se sentait fatiguée, affamée et était encore sous le coup de sa rencontre avec
les lions. Était-ce un signe ? Est-ce que ses jours étaient comptés ?
Comment avait-elle pu
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