La Vallée des chevaux
croire qu’elle était capable d’échapper à la Malédiction
Suprême ?
Elle était tellement éblouie par le soleil qu’elle faillit ne
pas voir que le plateau donnait sur un à-pic. Elle s’arrêta et, se protégeant
les yeux de la main, regarda en bas du ravin. Tout au fond coulait une petite
rivière aux eaux étincelantes, bordée d’arbres et de buissons. La gorge taillée
dans les falaises rocheuses s’ouvrait sur une vallée verdoyante et abritée. A
mi-pente, dans un pré baigné par les derniers rayons du soleil, une petite
horde de chevaux broutait en toute quiétude.
2
— Pourquoi as-tu décidé de m’accompagner ? demanda le
jeune homme brun au moment où il s’apprêtait à démonter la tente de peaux
lacées ensemble. Tu as dit à Marona que tu allais simplement rendre visite à
Dalanar et que tu en profiterais pour m’indiquer le chemin. Ce ne devait être
qu’un court Voyage avant de te ranger. Tu étais censé aller à la Réunion d’Été
avec les Lanzadonii et arriver là-bas juste à temps pour la Cérémonie de
l’Union. Marona va être furieuse et c’est le genre de femme dont je n’aimerais
pas provoquer la colère. Tu es sûr que tu n’es pas tout simplement en train de
la fuir à toutes jambes ?
Thonolan avait parlé d’un ton léger que démentait son regard
sérieux.
— Pourquoi serais-tu le seul de la famille à avoir envie de
voyager, Petit Frère ? demanda le blond Jondalar. Si je t’avais laissé
partir tout seul, au retour tu n’aurais pas manqué de te vanter au sujet de ton
long Voyage. Il faut que quelqu’un t’accompagne pour vérifier la véracité de
tes histoires. Et aussi pour t’éviter des ennuis.
Jondalar se baissa pour rentrer sous la tente. Celle-ci était
suffisamment haute pour qu’on puisse s’y tenir assis ou à genoux et assez
grande pour contenir, en plus de leurs fourrures de couchage, tout leur
équipement. La tente s’appuyait sur trois perches, placées en ligne et fichées
au centre. Au milieu, à côté de la perche la plus haute, était ménagé un trou
muni d’un rabat qui pouvait être ouvert quand on faisait du feu ou fermé en cas
de pluie. Jondalar enleva les trois perches et sortit de la tente à reculons.
— M’éviter des ennuis ! s’exclama Thonolan. Tu ferais
mieux de penser à toi ! Attends un peu que Marona découvre que tu n’as pas
accompagné Dalanar et les Lanzadonii à la Réunion... Elle serait bien capable
de se transformer en donii et de voler par-dessus le glacier que nous venons de
traverser pour te rattraper.
Saisissant chacun une des extrémités de la tente, ils la
replièrent.
— Ça fait drôlement longtemps qu’elle a des vues sur toi,
continua Thonolan. Et, juste au moment où elle croit que c’est gagné, toi, tu
décides de faire un Voyage. A mon avis, tu n’as aucune envie de glisser ta main
dans la lanière de cuir et de laisser notre zelandoni y faire un nœud. L’union
te fait peur, Grand Frère. (Les deux hommes posèrent la tente à côté de leurs
sacs.) A ton âge, la plupart des hommes ont déjà un ou deux petits dans leur
foyer, ajouta Thonolan en baissant la tête pour éviter le coup de poing amical
de son frère, ses yeux gris pétillant de malice.
— La plupart des hommes de mon âge ! s’écria Jondalar,
feignant d’être en colère. Quand je pense que je n’ai que trois ans de plus que
toi ! ajouta-t-il en éclatant de rire.
Il se laissait aller si rarement à rire que ses accès de gaieté
surprenaient toujours un peu.
Les deux frères étaient aussi différents que le jour et la nuit.
D’humeur insouciante, aimant plaisanter et rire, Thonolan était le bienvenu
partout en se faisant facilement des amis. Jondalar était plus sérieux que son
frère, plus réfléchi et il fronçait souvent les sourcils d’un air inquiet. Il
appréciait la compagnie de son frère, qui l’amusait.
— Qui te dit que, quand nous rentrerons, Marona n’aura pas
déjà ramené un petit à mon foyer ? fit-il en aidant son frère à rouler le
tapis de sol en cuir qui, tendu sur une seule perche, pouvait leur servir
également d’abri.
— Qui te dit qu’elle n’aura pas décidé que mon
insaisissable frère n’est pas le seul homme digne de profiter de ses charmes
bien connus ? Elle sait comment y faire pour plaire à un homme – quand
elle veut. Dommage qu’elle ait aussi mauvais caractère... Même si elle n’est
pas commode, Doni seule sait le
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