La Vallée des chevaux
la chose. Tous les Sharamudoï avaient à la fois du respect et de
l’affection pour lui et, aux yeux de Darvo, il était l’homme du foyer. Mais
depuis cette lointaine soirée où Tholie et Shamio avaient été brûlées, une
chose ou une autre s’en mêlant, il avait toujours repoussé sa décision. En
outre, il était facile de s’installer dans la routine avec Serenio.
La jeune femme n’exigeait rien de lui et continuait à garder ses
distances. Mais récemment Jondalar l’avait surprise en train de lui lancer un
regard très étrange, presque halluciné, qui venait du fond de l’âme. Il avait
décidé que le moment était venu de se prouver qu’il pouvait être un vrai
Sharamudoï. Comme il avait fait part de son intention autour de lui, certaines
personnes avaient pensé qu’il n’allait pas tarder à s’unir à Serenio bien que,
pour l’instant, aucune Fête de la Promesse ne soit prévue.
— Ne va pas trop loin, lui conseilla Carlono au moment où
il quittait la pirogue. Contente-toi d’apprendre à naviguer tout seul.
— Je vais emporter un harpon, dit Jondalar en prenant
l’instrument qui se trouvait sur le ponton. J’en profiterai pour m’entraîner à
le lancer.
Après avoir placé la longue hampe en bois au fond de la pirogue
sous les bancs, il enroula la corde à côté et fixa l’extrémité en os garnie de
pointes dans le support placé sur le flanc du bateau. La pointe du harpon, un
dard barbelé et acéré, n’était pas le genre d’instrument qu’on puisse laisser
traîner au fond d’un bateau. En cas d’accident, il était aussi difficile de
l’extraire d’un homme que d’un poisson – sans parler de la difficulté
qu’on avait à tailler un os avec des outils en silex. Il était rare que les
pirogues des Ramudoï coulent, mais cela ne les empêchait pas de tanguer parfois
dangereusement et il valait mieux attacher le matériel.
Tandis que Carlono tenait le bateau, Jondalar s’installa sur le
siège arrière. Il prit la pagaie à double pale et s’éloigna du ponton.
Maintenant que l’embarcation n’était plus équilibrée par un second passager,
l’avant de la pirogue se soulevait davantage et elle était plus difficile à
manœuvrer. Malgré tout, dès que Jondalar se fut adapté à ce changement, il
glissa sans difficulté dans le courant en rasant l’eau et se servit de sa
pagaie comme gouvernail, en la plaçant un peu à l’écart de la poupe. Au bout
d’un certain temps, il se dit que le moment était venu d’essayer d’avancer à
contre-courant.
Il avait descendu la rivière plus loin qu’il ne le pensait et,
quand il arriva en vue du ponton, il songea un instant à rentrer. Mais
changeant soudain d’avis, il continua à pagayer. Il s’était promis à lui-même
d’égaler l’habileté des Ramudoï sur le fleuve et ce n’était pas le moment de
flancher. Il sourit à Carlono qui le saluait de la rive et dépassa le ponton.
En amont, le fleuve s’élargissant, le courant était moins fort
et il était plus facile de pagayer. Apercevant une petite plage, ombragée par
des saules, Jondalar se dirigea vers elle. Il réussit sans mal à s’en approcher
car la pirogue était une embarcation si légère qu’elle pouvait voguer dans des
eaux peu profondes. Jondalar en profita pour se reposer un peu, se contentant
de barrer avec sa pagaie pour ramener le bateau vers la berge chaque fois qu’il
s’en éloignait. Il regardait distraitement le fleuve quand, soudain, son
attention fut attirée par une longue forme silencieuse qui se déplaçait sous la
surface de l’eau.
C’était encore un peu tôt pour les esturgeons. Habituellement,
ils remontaient le fleuve au début de l’été. Mais le printemps avait été
précoce et chaud, et les crues plus impressionnantes encore que d’habitude. En
regardant de plus près, Jondalar aperçut d’autres poissons glissant
silencieusement dans l’eau. Les esturgeons migraient ! Quelle chance il
avait ! Il allait pouvoir pêcher le premier esturgeon de la saison !
Il posa sa pagaie au fond de la pirogue et se mit à assembler
les différentes parties du harpon. En l’absence de tout gouvernail, la pirogue
pivota sur elle-même. Elle fila légèrement dans le courant, puis lui présenta
son flanc. Au moment où Jondalar fixait la corde du harpon à l’avant de la
pirogue, l’embarcation avait retrouvé son assiette et s’était pratiquement
immobilisée en travers du courant. Jondalar
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