La Vallée des chevaux
du fleuve. Sur une grande embarcation, ce
n’est pas grave de rater un coup de pagaie. Comme il y a d’autres pagayeurs, tu
risques seulement de casser le rythme. Mais sur les petits bateaux, comme
celui-ci, tu ne peux pas te permettre de perdre le contrôle. Rater un coup de
pagaie peut être dangereux ou même fatal. Ne quitte jamais le fleuve des yeux.
Tu ne sais pas quelle surprise il te réserve. Le fleuve est profond à cet
endroit, c’est pourquoi il a l’air calme. Mais ne t’y fie pas. Tu n’as qu’à
enfoncer ta pagaie dans l’eau pour sentir la force du courant. C’est contre lui
que tu luttes.
Carlono continua ses explications tandis qu’ils faisaient
prendre au canoë la direction du ponton des Ramudoï. Jondalar ne l’écoutait que
d’une oreille. Il essayait avant tout de manœuvrer correctement sa pagaie. Mais
cela ne l’empêchait pas d’enregistrer au niveau de ses muscles les conseils de Carlono.
— Il est faux de croire qu’il est plus facile de naviguer
dans le sens du courant, disait Carlono. Quand on remonte le fleuve et qu’on
lutte contre le courant, on fait très attention à ce qu’on fait. On sait que si
on relâche un instant son effort, on va perdre ce qu’on a gagné. En plus, on
peut voir ce qui vous arrive dessus et l’éviter. Tandis que quand le courant
vous porte, l’attention se relâche. On risque alors d’être précipité sur un de
ces gros rochers qui se trouvent au milieu du fleuve ou d’être heurté par un
tronc. Il ne faut jamais tourner le dos à la Grande Rivière Mère, rappela-t-il.
Quand on croit savoir a qui on a affaire et qu’on se dit que c’est gagné, c’est
justement là que le fleuve vous réserve des surprises.
Carlono sortit sa pagaie de l’eau et se recula un peu sur son
banc pour observer Jondalar. Le jeune Zelandonii se concentrait sur les
mouvements de sa pagaie. Ses longs cheveux blonds étaient attachés par une
lanière à hauteur de la nuque, une excellente précaution. Il portait la tenue
des Ramudoï : un pantalon et une tunique en peau de chamois, coupés sur le
même modèle que ceux des Shamudoï, mais adaptés à la vie sur le fleuve.
— Veux-tu que je descende quand nous serons arrivés au
ponton ? proposa Carlono. Tu pourrais aller faire un tour sans moi. Ça
fait une différence quand on se retrouve tout seul avec le fleuve.
— Crois-tu que j’en sois capable ?
— Pour quelqu’un qui n’est pas né ici, tu as appris
drôlement vite. Jondalar avait très envie de voir s’il était capable de se débrouiller
seul sur le fleuve. Les jeunes Ramudoï possédaient leur propre pirogue bien
avant d’être adultes. Jondalar, lui aussi, avait fait ses preuves en tant que
jeune Zelandonii. Il était à peine plus âgé que Darvo quand il avait tué son
premier cerf. Il était maintenant capable de jeter une sagaie plus loin et plus
fort que la plupart des hommes. Malgré tout, il ne se sentait pas l’égal des
Sharamudoï. Pour être considéré comme un homme, un Ramudoï devait avoir
harponné un esturgeon et un Shamudoï devait avoir chassé un chamois dans les
montagnes sans l’aide de quiconque.
Il avait décidé qu’il ne s’unirait pas à Serenio tant qu’il ne
se serait pas prouvé à lui-même qu’il pouvait être à la fois ramudoï et
shamudoï. Dolando avait essayé de le convaincre qu’il était inutile de vouloir
faire les deux. Personne ne doutait de sa valeur et tous ceux qui avaient
chassé le rhinocéros avec lui étaient convaincus de ses qualités de chasseur.
Jondalar aurait été bien incapable de dire pourquoi il
ressentait le besoin d’être meilleur que les autres. C’était bien la première
fois que cela lui arrivait. Jamais encore il n’avait ressenti le besoin de
surpasser d’autres hommes à la chasse. Son seul intérêt dans la vie, la seule
tâche où il désirait exceller, était la taille du silex. Il s’y appliquait non
pas pour surpasser les autres, mais parce qu’il éprouvait une intense
satisfaction à perfectionner ses techniques de taille. Finalement, le shamud
avait parlé en privé à Dolando et il lui avait dit qu’il fallait que le grand Zelandonii
se prouve à lui-même qu’il pouvait faire partie de leur Caverne.
Jondalar vivait depuis si longtemps avec Serenio qu’il trouvait
que le moment était venu de s’unir officiellement avec elle. Elle était
pratiquement sa compagne. C’est en tout cas comme ça que la plupart des gens
voyaient
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