La Vallée des chevaux
femelle.
Jetamio regarda vers le nord et se mit à crier à son tour pour
avertir le jeune chasseur que la femelle était en train de charger. Tous les
chasseurs partirent dans cette direction pour lui prêter main-forte, oubliant
un instant le jeune mâle. Sans doute stimulé par l’odeur de la femelle toute
proche, celui-ci chargea soudain en direction de ce capuchon qui continuait à
voltiger juste devant lui.
Jetamio eut de la chance que l’animal soit aussi près. Sans élan,
sans avoir eu le temps de prendre de la vitesse, le rhinocéros attaquait en
reniflant bruyamment, ce qui attira aussitôt son attention, ainsi que celle de
Jondalar. Au moment où l’animal arrivait sur elle, elle fit un bond de côté,
évitant de justesse la corne du rhinocéros.
L’animal ralentit, cherchant la cible qui venait de disparaître,
et il ne prit pas garde à l’homme qui s’approchait de lui à grandes enjambées.
Et il fut trop tard. L’un de ses yeux minuscules perdit soudain toute acuité
visuelle : Jondalar venait d’enfoncer sa sagaie dans ce point
particulièrement vulnérable et l’extrémité en silex pénétra jusqu’au cerveau.
L’instant d’après, l’animal ne voyait plus rien : Jetamio avait planté son
arme dans l’autre œil. Le rhinocéros sembla surpris, puis il trébucha, tomba à
genoux et finit par s’affaler sur le sol, privé de vie.
Quelqu’un poussa un cri. Les deux chasseurs levèrent les yeux et
s’éloignèrent à toute vitesse, chacun dans une direction différente. Le
rhinocéros femelle se précipitait sur eux à toute allure. En arrivant près du
jeune mâle, elle ralentit, le dépassa de quelques foulées avant de réussir à
s’arrêter et fit alors demi-tour pour s’en approcher. Elle lui donna quelques
coups de corne pour l’obliger à se relever. Voyant qu’il ne bougeait pas, elle
tourna la tête d’un côté puis de l’autre, balança sa masse imposante sur la
droite puis sur la gauche, comme si elle n’arrivait pas à se décider.
Certains chasseurs essayèrent d’attirer son attention en
brandissant leur capuchon ou leur manteau, mais rien n’y fit. Après avoir
poussé une dernière fois le jeune mâle du bout de sa corne, elle obéit à un
instinct profondément ancré en elle et reprit la direction du nord.
— Nous l’avons échappé belle, expliqua Jondalar. Mais
cette femelle n’avait qu’une idée en tête : filer vers le nord.
— Tu penses que la neige ne va pas tarder à tomber ?
demanda Thonolan en jetant un coup d’œil à l’emplâtre posé sur sa poitrine
avant de regarder à nouveau son frère qui semblait très inquiet. Jondalar hocha
la tête.
— Je ne sais pas comment expliquer à Dolando que nous
aurions intérêt à partir avant que la tempête arrive. Même si je savais parler
leur langue, ils ne me croiraient pas : il n’y a pas un seul nuage dans le
ciel.
— Cela fait plusieurs jours que ça sent la neige. C’est une
sacrée tempête qui se prépare.
Jondalar était sûr que la température était en train de baisser
et il en eut une preuve de plus le lendemain matin lorsqu’il découvrit que
l’infusion qu’il avait laissée près du feu durant la nuit était recouverte
d’une mince couche de glace. Il essaya à nouveau de communiquer ses inquiétudes
à Dolando, mais sans succès.
Quand le compagnon de Roshario lui annonça qu’ils allaient lever
le camp, il se sentit soulagé et s’occupa aussitôt de ranger sa tente et de
préparer son sac, ainsi que celui de son frère. Dolando lui sourit pour lui
montrer qu’il était content de sa vélocité. Puis son sourire s’effaça pour
laisser place à une expression inquiète et il montra la rivière à Jondalar. Le
cours d’eau était agité par de forts remous et l’embarcation en bois oscillait
d’un côté et de l’autre en tirant sur les cordes qui la retenaient. Jondalar
comprit aussitôt pourquoi Dolando semblait si nerveux. Lui-même n’en menait pas
large à l’idée de la traversée qui les attendait. Les hommes qui vinrent
chercher les deux sacs et les déposèrent à côté de la carcasse du rhinocéros ne
montraient aucun signe de nervosité. Jondalar n’en fut pas rassuré pour autant.
Il était content de partir, mais inquiet quant au moyen de transport qu’ils
allaient utiliser. Et comment s’y prendraient-ils pour transporter Thonolan
jusqu’au bateau ? Il s’approcha de la tente où se trouvait son frère pour
voir s’il
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