La Vallée des chevaux
dire qu’elle est la plus belle, répondit
Thonolan en regardant tendrement Jetamio. Mais que viens-tu faire dans le monde
des esprits ? Au cas où tu l’ignorerais, je tiens à te rappeler que cette
ravissante personne est ma donii personnelle. Inutile d’essayer sur elle le
fameux pouvoir de tes grands yeux bleus.
— Ne t’inquiète pas pour ça, Petit Frère. Mes grands yeux
bleus ont sur elle un drôle d’effet : chaque fois qu’elle me voit, elle se
moque de moi et éclate de rire.
— Elle peut rire de moi autant qu’elle veut, dit Thonolan
en souriant à la jeune femme. (Et comme Jetamio lui souriait à son tour, il
ajouta, d’un air extasié :) Sortir des griffes de la mort et ouvrir les
yeux pour voir ça !
Un peu étonné que son frère soit tombé amoureux d’une femme avec
laquelle il n’avait pu échanger un mot, Jondalar examina de plus près Jetamio
en essayant de faire preuve d’objectivité.
La jeune femme avait les cheveux châtain clair et elle était
plus petite et plus mince que les femmes qui, en général, attiraient Thonolan.
Elle aurait pu facilement passer pour une jeune fille. Avec son visage en forme
de cœur et ses traits assez réguliers, elle était plutôt jolie, mais n’avait
rien d’exceptionnel – jusqu’au moment où elle souriait.
Une sorte de transformation alchimique se produisait alors, un
changement subtil, une mystérieuse redistribution de la lumière et des ombres
et elle devenait belle, totalement belle. Il suffisait qu’elle sourie pour
donner cette impression. Jondalar lui-même en avait fait l’expérience. Malgré
tout, elle ne devait pas sourire souvent et, au début, il l’avait trouvée
plutôt timide et réservée. Il avait bien du mal à la reconnaître
maintenant : elle était rayonnante et débordante de vie. Thonolan ne la quittait
pas des yeux et, languissant d’amour, lui souriait d’un air un peu idiot.
Ce n’est pas la première fois qu’il tombe amoureux, se dit
Jondalar. J’espère qu’elle ne souffrira pas trop quand nous partirons.
Allongé dans sa tente, les yeux grands ouverts, Jondalar
regardait en direction du trou percé tout en haut pour laisser échapper la
fumée. Le rabat semblait mal fermé. Ce n’était pourtant pas ça qui l’avait
réveillé.
Immobile, aux aguets, il essayait de déterminer ce qui lui avait
donné ce sentiment de danger imminent. Ne percevant rien d’inhabituel, il se
glissa hors de ses fourrures de couchage et alla jeter un coup d’œil dehors.
Les quelques personnes assemblées autour du feu de camp ne
semblaient nullement inquiètes. Pourquoi se sentait-il aussi nerveux ?
Était-ce à cause de Thonolan ? Non, son frère allait beaucoup mieux. Grâce
aux soins du shamud – et à l’attentive présence de Jetamio. Qu’est-ce
donc qui le tracassait ?
— Holà, dit-il en apercevant Jetamio.
La jeune femme lui sourit aussitôt d’un air amical. Bien qu’ils
ne puissent communiquer que par gestes ou à l’aide des quelques mots que
Jondalar avait appris, le fait qu’elle ait pris si à cœur la guérison de
Thonolan les avait beaucoup rapprochés.
Jetamio lui apporta un bol plein de liquide et Jondalar la
remercia avec le mot qui convenait. Il goûta la préparation et fronça les
sourcils, un peu étonné. Le matin, en général, la jeune femme lui proposait un
bouillon de viande. Mais aujourd’hui il s’agissait d’autre chose. D’après
l’odeur, le récipient en bois placé au-dessus du feu devait contenir un
bouillon de racines et de céréales. Et la raison en était bien simple : il
n’y avait plus de viande et personne n’était allé chasser.
Quand Jondalar eut fini de boire, il se précipita vers sa tente.
En attendant que son frère aille mieux, il n’était pas resté inactif et avait
fini de fabriquer deux robustes sagaies. Leur manche était en bois d’aulne, la
pointe en silex. Il alla les chercher à l’arrière de sa tente et décida aussi
de prendre quelques lances plus légères. Puis il revint vers le feu. Il n’avait
pas besoin de connaître la langue de ses hôtes pour communiquer son désir de
partir à la chasse. Sa proposition fit très vite le tour du camp et les
chasseurs affluèrent bientôt autour du feu.
Jusqu’au dernier moment, Jetamio hésita. Elle aurait bien aimé
rester auprès de l’étranger blessé dont le regard malicieux la faisait sourire
chaque fois qu’elle levait les yeux vers lui et elle avait aussi
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