La Vallée des chevaux
langage n’était compréhensible que pour elle – et
dans une certaine mesure pour Whinney.
Après avoir enfilé ses jambières taillées dans la peau de la
jument, elle mit son capuchon et enfila ses moufles. Passant les mains à
travers la fente de ses moufles, elle attacha sa fronde à sa ceinture et plaça
son panier sur son dos. Puis elle alla chercher l’os qu’elle utilisait pour
casser la glace. Pour fabriquer ce pic à glace, elle avait utilisé un des
fémurs de la jument : après en avoir retiré la mœlle, elle l’avait taillé
en pointe et meulé contre une pierre.
— En route, Whinney, dit-elle en écartant la lourde peau
d’aurochs qui, avant, lui servait de tente, et faisait maintenant office de
brise-vent à l’entrée de la caverne, solidement attachée à des pieux enfoncés
dans le sol.
La pouliche trottant derrière elle, elle emprunta le sentier qui
menait à la rivière. En arrivant près du cours d’eau, elle baissa un peu la
tête pour se protéger du vent qui soufflait avec violence. Dès qu’elle eut
trouvé un endroit où la glace semblait moins épaisse, elle s’y attaqua avec son
pic.
— Il est plus facile de ramasser de la neige que de casser
la glace, Whinney, expliqua-t-elle à la jeune pouliche en plaçant les blocs de
glace à l’intérieur de son panier.
Elle s’arrêta au pied de la falaise pour prendre quelques
morceaux de bois flottés dans la pile qui se trouvait là et remonta vers la
caverne.
— L’hiver est sec par ici, expliqua-t-elle à la pouliche.
Plus froid aussi. La neige me manque, Whinney. Les petites chutes de neige que
nous avons eues jusqu’ici ne me suffisent pas. Elles n’ont apporté que du
froid.
Ayla plaça les blocs de glace dans un grand bol qu’elle posa à
côté du feu. Il fallait que la glace fonde légèrement avant qu’elle puisse la
transvaser dans un récipient en peau pour la mettre à chauffer au-dessus du
feu. Sans eau au fond, le récipient en peau risquait de brûler.
Puis elle jeta un coup d’œil autour d’elle et examina différents
objets en cours de fabrication. Lequel allait-elle choisir aujourd’hui ?
Aucun de ces travaux ne la tentait.
Et si j’allais chasser ? se dit-elle en apercevant les
épieux qu’elle avait fabriqués récemment. Cela fait un bon bout de temps que je
ne suis pas allée dans les steppes. Inutile de les emporter, ajouta-t-elle
aussitôt en fronçant les sourcils. Jamais je ne pourrai m’approcher
suffisamment d’un animal pour pouvoir m’en servir. Je vais simplement emporter
ma fronde et faire un tour. Cela me fera du bien.
Elle choisit quelques cailloux arrondis parmi ceux qu’elle avait
entreposés dans la caverne au cas où les hyènes s’aventureraient à nouveau
jusque-là, les fourra dans les replis de son vêtement et ajouta un peu de bois
sur le feu.
Lorsqu’elle s’engagea dans la montée escarpée qui reliait la
caverne et les steppes, Whinney voulut la suivre et hennit derrière elle.
— Ne t’inquiète pas, Whinney. Je ne serai pas absente
longtemps. Tu ne risques rien.
En arrivant en haut, Ayla dut resserrer les cordons de son
capuchon car le vent soufflait si fort qu’il faillit arracher la fourrure de
glouton qui lui couvrait la tête. Elle s’arrêta un instant pour regarder autour
d’elle. Aussi arides et desséchées soient-elles en été, les steppes semblaient
alors pleines de vie si on les comparait à l’aspect désolé qu’elles
présentaient en hiver. Le vent soufflait en rafales, émettant une mélopée
funèbre aux accents discordants. Sa plainte déchirante s’enflait jusqu’au cri
perçant, puis diminuait jusqu’à n’être plus qu’un gémissement étouffé. Il
balayait sans relâche la terre brun grisâtre et allait chercher les cristaux de
neige qui se trouvaient au fond des creux, projetant à nouveau dans l’air ces
flocons glacés.
La neige balayée par le vent avait la consistance des grains de
sable et sous sa morsure, Ayla eut bientôt le visage en feu. Elle rapprocha le
plus possible les pans de son capuchon, baissa la tête et continua à avancer
face au vent qui venait du nord-est. L’herbe gelée crissait sous ses pas.
Chaque fois qu’une nouvelle rafale de vent chargée de neige l’atteignait, ses
narines se pinçaient et sa gorge lui faisait mal. Sa respiration était devenue
sifflante et elle se mit à tousser.
Mais qu’est-ce que je fais là ? se demanda-t-elle. Jamais
je n’aurais pensé qu’il
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