La vengeance d'isabeau
détermination.
Marie blêmit de colère. La duchessina ne lui faisait plus peur, désormais. Elle se dressa et soutint son regard pervers de méduse.
— Jamais.
— Je pourrais te dénoncer pour la mort du dauphin. Ton amitié pour la reine Eléonore, la sœur même de Charles Quint, suffirait à faire de toi une espionne, une parjure. Je ne te laisserai pas partir sans que tu m’aies rendu ce service, Marie.
— D’autres que vous l’autoriseront. Car si je tombe, croyez-moi, Catherine, vous tomberez. Le roi vous affectionne par cette Italie que vous représentez, mais il n’est pas aveugle. Le crime vous a profité bien davantage qu’à moi, je ne me mettrai pas à la merci de vos caprices une fois encore. Vous n’êtes pas mère et Henri, que vous aimez, ne vous aimera jamais. N’oubliez pas, duchesse, que rien à ce jour ne pourrait empêcher le roi et son fils de vous répudier.
Le regard noir de Catherine s’emplit de rage et un tic la secoua d’un soubresaut mauvais.
— Sors d’ici, grogna-t-elle. Fais ce que bon te semble mais disparais, putana ! Tes fornications n’y changeront rien ! Ceux qui ne sont pas avec moi sont contre moi. Le jour viendra où tu le regretteras.
— C’est possible, mais jamais autant que si j’acceptais d’aliéner ma liberté.
Elle se retira sur une révérence. Son temps à la cour de France était révolu. Elle conserverait l’attention de Montmorency, dont la nouvelle charge lui était plus utile que jamais, et l’affection réelle du roi et de la reine. De retour chez elle, au cœur de Paris, elle rédigea un courrier à l’intention de Diane qui s’en était retournée sur ses terres : « Prenez garde à vous. On cherche à vous nuire, peut-être à vous éliminer », recommandait-elle. Elle choisit l’anonymat et signa simplement « une amie » pour le cas où le billet serait intercepté. Elle ne tenait pas à ce que Catherine puisse d’une manière ou d’une autre s’en servir contre elle.
Ensuite, elle attendit Solène qu’elle avait avertie de son retour et voulait entretenir. Elle avait cessé de la considérer comme sa rivale, ne gardant que le seul souvenir de la fillette autrefois attachée à leurs jeux. Que Constant l’ait épousée pour se venger d’elle ou par amour n’y changeait rien. Solène était restée ce qu’elle était, et Marie avait besoin de quelqu’un de sûr à ses côtés.
Pour s’occuper, elle défit le courrier récupéré au palais. Il contenait un bref mot de Jean.
« Une méchante blessure à la jambe achève ma carrière dans l’armée. Les médecins ne sont pas optimistes, chère Marie. Peut-être ne pourront-ils la sauver, voire me sauver. Prends soin de mes enfants.
Jean. »
Il était daté du 20 octobre. Marie fouilla fébrilement son courrier, qui l’attendait depuis janvier, lorsqu’elle était retournée chez Isabeau. Jean n’avait pas donné d’autres nouvelles. Elle examina l’écriture tracée d’une main tremblante. Par endroits, on devinait sur le papier des traces de sang et de sueur mêlés. Marie frémit et se laissa choir dans une chaise à bras. Nul doute qu’il était alors fébricitant {6} . Il avait voulu l’avertir.
Solène entra comme elle éclatait en sanglots. La jeune femme se précipita et saisit Marie aux épaules pour la serrer contre elle, sans comprendre. Elle avisa la lettre tombée à terre, la ramassa et la parcourut. L’instant d’après, un cri lui échappa et, d’un trait, elle s’effondra inanimée.
Marie redressa le front en percevant le choc sourd de sa tête contre le plancher. Sa peine se perdit dans l’urgence. Elle s’accroupit auprès de Solène et la redressa contre le fauteuil. Comme elle s’emparait d’une bouteille de liqueur, elle l’entendit geindre. Elle la trouva hagarde, les yeux emplis de larmes, les doigts recroquevillés sur la missive qu’elle n’avait pas lâchée. Marie la força à boire une goulée. Elle ne pensait pas que cette nouvelle l’aurait affectée à ce point.
— Il est mort, n’est-ce pas ? Gémit Solène les lèvres tremblantes.
— Je l’ignore, je n’ai pas d’autre courrier que celui-ci.
Marie noua ses bras autour de la jeune femme et la berça doucement. Elle ne parvenait pas à imaginer que Jean ait pu succomber, lui qui avait affronté tant de fois la mort du tranchant de sa lame, s’était ri des hommes du prévôt, moqué des époux cocufiés. Puis un sentiment de
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