La vengeance d'isabeau
les villes perdues en Italie.
C’est là-bas que l’annonce de la mort de Françoise de Châteaubriant atteignit le roi. La rumeur s’enfla de ville en ville et la cour frémit d’indignation : l’ancienne maîtresse de François I er aurait été assassinée par son époux. Celui qui des années durant avait accepté sans mot dire son cocufiage royal avait fini par séquestrer son épouse écartée par Anne de Pisseleu, jusqu’au 16 octobre de cette année 1537. On prétendait que, lassé d’elle, il était finalement entré dans la chambre transformée en cachot, accompagné de chirurgiens et d’hommes d’armes. Là, il lui avait fait ouvrir les veines et s’était appliqué à la regarder agoniser.
Le roi accusa cette déchirure après tant d’autres cette année. Ses cheveux blanchirent d’un trait. Le 10 février 1538, il nommait Montmorency connétable de France et le chargeait d’une enquête sitôt que la guerre serait achevée. À la suite de quoi, il se lança dans celle-ci pour oublier.
Cet hiver 1538 écarta donc les hommes de la cour. Eux partis, l’atmosphère des palais se gorgea de rancœurs et se para de masques de gargouille. Ces dames se retirèrent chacune de son côté avec leurs familiers et Marie ne trouva nulle part sa place. Dans les cercles, on se gaussait l’une de l’autre, sous couvert de causerie de bon ton.
Marie ne le supporta plus. Isabeau lui avait légué sa maison et sa boutique. Elle se décida à y retourner, se bornant à annoncer à Catherine qu’elle allait visiter sa famille. Abandonnée depuis sept années, l’air y était vicié par les crottes des rats. Marie troqua ses vêtements de cour contre ceux d’une servante et retroussa ses manches pour redonner à la maison sa splendeur oubliée. Il lui fallut un mois pour y parvenir. Tandis que Bertille s’occupait de Bertrand, Solène vint généreusement l’aider. Son amitié simple et sincère lui fit du bien. Elles évitaient de parler de Constant, et Solène s’y appliqua avec une réelle compréhension.
Dans la boutique, c’était pis encore. Les rouleaux de tissus précieux étaient mités, percés par les souris et abîmés par l’humidité. Ceux qu’elle put sauver, Solène les porta aux pauvres, tout comme les habits et les rubans démodés et ternis.
Lorsque tout fut nettoyé et assaini, l’hiver s’acheva sur un mois de mars ensoleillé. Marie avait eu le temps de mûrir sa décision. Les recherches n’avançaient plus faute d’argent. Vollore se suffisait à lui-même, ainsi que les autres terres que la mort de Chazeron lui laissait, mais ne dégageait pas suffisamment de liquidités pour rajeunir les équipements d’alchimie. Et Ma vieillissait, tout comme Huc, tout comme Bertille et Albérie. Si elle ne trouvait pas les moyens de financer plus avant ses recherches, le temps les emporterait chacun leur tour et elle perdrait toute chance de rencontrer sa mère un jour.
Le mois suivant, Marie prenait la route d’Angoulême. Elle fut reçue chaleureusement par la sœur du roi et repartit non seulement avec le prêt qu’elle avait espéré, mais encore avec une confidence qui lui réchauffa le cœur :
— Isabelle de Saint-Chamond était mon amie et j’ai bien regretté qu’elle reste fidèle à La Palice. Si elle était devenue la favorite de mon frère, nous aurions ensemble fait de grandes choses pour la Réforme. Je l’appréciais pourtant pour cette constance autant que pour sa générosité. Je connaissais son secret. Tout comme le roi, auquel elle avait demandé sa protection à défaut d’avouer qu’elle l’aimait. Votre grand-mère était quelqu’un de rare. Vous lui ressemblez, Marie. Non seulement je soutiendrai votre commerce en y devenant cliente, mais je vous promets d’y ramener bon nombre de gens qui en feront la renommée.
Marie n’osa pas lui demander si elle détenait toute la vérité, mais l’affection réelle de Marguerite d’Angoulême la réconforta.
Sitôt rentrée à Paris, début juin 1538, elle se rendit auprès de Catherine et lui avoua son projet.
— J’ai besoin de toi à la cour, de tes voyances et de tes thèmes astraux ! répliqua celle-ci, les yeux brillants de rage.
— Allons, vous avez bien assez d’espions pour savoir ce qui se passe partout et en toute heure, nota Marie.
— Mais aucun qui approche Diane de suffisamment près pour m’en débarrasser, riposta Catherine d’une voix transformée par sa
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