La vengeance d'isabeau
contrer.
Ils luttèrent un moment puis Constant parvint à se dégager des monticules de papier qui l’emprisonnaient et renversa les rôles, plaquant Marie sous lui, sans parvenir à l’empêcher de cogner des pieds, des genoux et des poings. Quand il l’immobilisa de son poids, elle se jeta tête la première sur son oreille et y mordit à en arracher le morceau. Il hurla et se résolut à la gifler pour la faire lâcher.
— Je vais te tuer ! Rugissait-elle en empoignant et en mordant ce qui se trouvait à portée.
Elle finit pourtant par s’essouffler. Constant était de loin plus fort qu’elle. S’il accusait les coups, gluant d’encre et de sueur mêlées, il se refusait à les rendre. Quelque chose en lui s’était brisé lorsqu’elle était entrée avec sur elle ce parfum du passé. Quelque chose qui l’avait rendu fou toutes ces années. Lorsque les attaques s’espacèrent dans sa respiration saccadée, il emprisonna ses mains au-dessus de sa tête et chercha ses lèvres. Marie sentit la colère la gagner de nouveau et s’arqua, débitant une flopée d’insultes, tournant la tête et s’agitant comme une anguille.
Mais ce fut en pure perte. La bouche prit la sienne. Elle avait un goût de sang qui apaisa d’un coup sa soif. Elle gémit de sa violence, les sens exacerbés, et se laissa envahir et fouiller. Constant relâcha son emprise et perdit ses doigts dans ses cheveux emmêlés tandis qu’elle nouait les siens, meurtris, autour du cou puissant, en maudissant sa faiblesse.
Lorsqu’il la laissa reprendre son souffle, elle grommela encore :
— Je te hais ! Je te briserai, Constant !
Avant de l’embrasser de nouveau, il murmura entre ses lèvres tuméfiées :
— Enfin je te reconnais !
— Ordure, lâcha-t-elle en le repoussant.
Il l’embrassa encore.
— Vaurien, essaya-t-elle, mais sa colère se perdait dans son regard.
Ce regard qui demandait pardon. Ils restèrent un moment immobiles, à chercher dans l’âme de l’autre des raisons de se haïr encore. Ils en avaient mille. Ils n’entrouvèrent aucune.
— Tu m’as tellement manqué, avoua Constant en lissant ses cheveux souillés d’encre, de colle et de caractères d’imprimerie.
Elle l’attira à elle et répéta sur son souffle :
— Un jour, je te briserai, Constant.
— Comme tu voudras. Je le mérite, et plus encore.
Il la déshabilla sans hâte, sans quitter des yeux la sauvageonne qu’elle était redevenue. Ils s’aimèrent comme des enfants qui se découvrent une première fois. Sans mot dire pour ne rien briser, en tâtonnant pour ne plus blesser. Unis par une même évidence.
La nuit était noire sur Paris lorsqu’ils s’abandonnèrent au repos, dans les bras l’un de l’autre, au milieu du désordre qu’ils avaient généré dans l’atelier. Marie se pelotonna contre le torse à peine duveteux de Constant. Les mains croisées derrière la nuque, serti par les tas de papier renversés et bousculés, le jeune homme souriait. Il y avait des années qu’il n’avait été en paix. Il savait pourtant que l’instant des explications était venu. Il ignorait ce que Marie avait découvert, mais il était résolu à ne plus mentir, à ne plus jouer. Il la laissa s’appesantir de sommeil, l’accompagnant d’une caresse sur sa joue. Il avait besoin de ce répit pour comprendre lui-même ce qui leur était arrivé. Il avait conscience que tout était sa faute, mais était-ce suffisant pour réparer ?
Il finit par s’endormir aussi.
Marie le secoua violemment.
— L’aube est proche, Constant, dit-elle tandis qu’il s’étirait. Il faut tout ranger ou tu seras renvoyé.
Il écarquilla des yeux ronds. Un soleil timide encore réchauffait la pénombre de la ruelle. Il se dressa d’un bond et Marie baissa les yeux sur sa nudité. Elle s’était rhabillée dès son réveil, de peur qu’on ne les surprenne.
Ilse sentit gauche devant ce visage détourné. La peur qu’elle s’échappe lui fit tendre la main et agripper son bras. Il l’attira à lui et se rassura de ne sentir en effetaucune résistance. Il l’enlaça contre son ventre nu etglissa sa bouche contre son oreille.
— Je t’aime, Marie.
— Mais cela ne suffit pas, répondit-elle comme un écho à ces mots d’autrefois qui avaient éteint sa lumière.
— Si, cela suffit, Marie, certifia-t-il en la serrant plus fort. Je mérite tous les châtiments, toute la haine, toute la colère,
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