La vengeance d'isabeau
alors jamais, rit-il.
— Ne te moque pas, galopin ! Tempêta Bertille.
Marie s’avança et posa une main sur le bras musclé de Constant.
— Elle a raison. Cette querelle a trop duré, Constant. Au nom de nos enfants, oublions-la. Redevenons amis.
Il afficha un sourire et hocha la tête, mais une petite lueur dans son regard laissa comprendre à Marie qu’il n’avait pas pardonné. Cela suffit pourtant à Bertille qui voulut tout savoir : ce qu’il faisait, qu’était devenu un tel, et un autre. Et la Réforme ?
Constant expliqua qu’il avait obtenu un travail dans une imprimerie. Trouver des gens habiles, rapides, qui sachent lire et écrire n’était pas forcément facile dans le petit peuple et il n’avait eu aucune difficulté à faire reconnaître ses qualités. Ainsi, il continuait d’agir pour la Réforme puisque le roi avait autorisé son patron à publier, après vérification, les textes de Calvin ou les traductions de Luther. Albérie lui avait offert de s’installer dans son ancien logis, comme autrefois. Solène, quant à elle, s’occupait des enfants de la rue, leur apprenait l’alphabet et les chiffres tout en s’appliquant à son nouveau rôle de mère. Marie se prit à l’envier. Elle était manifestement heureuse et Constant paraissait auprès d’elle plus calme, plus fort aussi. Il avait mûri. De fines rides ourlaient ses yeux lorsqu’il riait.
Ils restèrent deux bonnes heures, bien loin de cette atmosphère que Marie avait connue enfant, preuve qu’elle avait raison et Constant tort. Tout le monde changeait et la cour des Miracles n’était rien de plus qu’une porte ouverte entre la bourgeoisie et la misère.
Rien de plus qu’un de ces sobriquets gagnés à l’intolérance humaine. Et ce monde-là n’avait jamais cessé d’être le sien.
Les parfums précieux du château de Fontainebleau lui semblèrent surfaits. Pour un peu, elle serait rentrée chez elle, auprès de ses enfants. Elle n’en fit rien. Bertille voulait profiter de son petit-fils qu’elle avait adopté sans tarder. Des adultes qui avaient bercé l’enfance de Marie ne restait plus qu’elle à Paris. La répression avait fait éclater le groupe des proches d’Isabeau, les hivers avaient emporté les gueux. Avec Isabeau, une génération s’était éteinte et une page résolument tournée. Il fallut plusieurs semaines à Marie pour l’accepter.
Bertille qui séjournait chez Constant insistait pour qu’elle leur rende visite. Elle s’en acquittait par affection pour la naine, mais chacune d’elles la renvoyait à son propre miroir. Malgré les caresses de Montmorency qui protégeait le secret de son crime, elle se sentait seule. Seule et inutile.
La mort prématurée de Madeleine de France, six mois à peine après son mariage, ajouta un vent de tristesse sur la France. L’été l’emporta cependant avec son cortège de fêtes dans les jardins. Désormais, il existait deux cercles bien distincts. D’un côté les proches du roi et d’Anne de Pisseleu, de l’autre ceux d’Henri et de Diane. Marie se trouvait du deuxième de par son attachement à Anne de Montmorency. Entre les deux, Catherine semblait imperturbable dans ses œuvres. Elle participait régulièrement aux chasses auprès du roi, montée en amazone comme elle en avait lancé la mode, adoptant même les caleçons pour plus de commodité et de pudeur. Mais elle évitait les réjouissances trop somptueuses, se drapant dans une dignité bienséante qui lui faisait soutenir sans faillir le regard de tous et celui de Diane de Poitiers en particulier. Diane, Anne de Pisseleu et Catherine voulaient la même chose : ce pouvoir que Marie exécrait.
Sa seule véritable alliée, elle avait tôt fait de le comprendre, était la sœur du roi qui poursuivait haut et fort le combat des réformés. Leur amitié était née de leur foi, mais aussi et surtout de leur complicité aux jours noirs de la répression.
Avec l’automne, Marie reçut à la cour des nouvelles de Jean. Il se disait heureux qu’elle s’inquiétât de lui. Malgré son réel chagrin de la mort d’Isabeau, il se trouvait ravi de son engagement. Son efficacité tactique, sa bravoure l’avaient fait promouvoir officier et il s’apprêtait à gagner le Piémont avec l’armée française. De fait, le roi s’était déjà installé à Lyon pour rejoindre ses troupes. Montmorency et Henri l’y suivirent. Une fois encore, il s’agissait de reprendre
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