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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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une nuit sans nuages devant son regard vitreux.
    Il les avait regardées. Longtemps. Puis la voix à ses côtés s’était envolée, dans un claquement pâteux d’ivrogne, alors que devant eux défilait la faune sordide des ruelles sales, des appétits nocturnes et irrévérencieux.
    —  Chacune d’elles est une âme qui passe.
    L’image était belle. Philippus la connaissait.
    —  Un jeune garçon m’a dit la même chose il y a longtemps, sous un ciel de France, affirma-t-il en se souvenant du visage de Michel de Nostre-Dame.
    —  Un homme me l’a révélé il y a quelques mois à Montpellier.
    Philippus tourna la tête vers son compère de beuverie. Le même nom leur effleura les lèvres et ils éclatèrent de rire. Ils achevèrent la nuit ainsi, Philippus apprenant de la bouche du jeune médecin à ses côtés —  qui fêtait sa promotion — sa rencontre avec Michel, devenu médecin à son tour et astrologue, dont la Provence contait les prophéties. Enfin, l’homme, un nommé Seulbach, lui demanda :
    —  De fait, ne serait-ce point vous, Paracelse ?
    Philippus acquiesça.
    —  Alors, j’ai une lettre pour vous. Car ce personnage étrange a prédit notre rencontre. Par une belle nuit d’août, dans les brumes de l’esprit, m’avait-il dit. Lors vous le reconnaîtrez et lui donnerez ceci.
    Philippus, ému, avait regardé l’enveloppe chiffonnée sur laquelle s’étalait un cachet de cire frappé au sceau de Nostradamus. Il l’avait fourrée dans sa manche, les larmes aux yeux. Celles des souvenirs, bons et mauvais. Celles du repentir. Depuis son départ de Thiers, il n’avait trouvé ni le temps ni le courage d’écrire à Michel comme il le lui avait promis. Fort du destin qui les liait, pourtant, celui-ci ne l’avait pas oublié.
    Lorsque l’aube avait ramené dans la ruelle sa vie active, ils s’étaient séparés, avant de recevoir sur le front la pisse tiède des bassins d’aisance qu’en ces lieux on vidait encore depuis les fenêtres dans les caniveaux.
    Dans sa chambre, Philippus avait décacheté la missive. Elle était brève :
     
    « Je vous attends, mon ami. Je poursuis en songe des images qui sont vôtres, et le poids d’un secret que je partage sans pouvoir vous en soulager. Or, je le sais, elles apaiseraient votre tristesse, car il me déplaît de vous savoir si défait quand vous avez à accomplir mission bien grande pour celle qui vous aime.
    Votre dévoué. »
     
    Philippus s’était mis à pleurer. Il avait plus d’une fois eu envie de revoir sa fille, mais il y avait renoncé. Qu’avait-il à lui offrir ? Il se méprisait de ce qu’il s’était obstiné à devenir. La vinasse l’avait rendu gras, ses cheveux s’étaient clairsemés, ses dents avaient jauni. Il se battait contre tous, s’obstinant dans des discours et des méthodes qu’il savait salutaires, qui donnaient résultats, mais qui le nourrissaient à peine tant on le décriait partout. Il était un maudit.
    Triste constat pour un père, quand il la devinait à l’abri du besoin, sa Marie, sa fille, dans l’écrin d’un château qu’Antoinette de Chazeron avait su meubler d’amour. Un jour peut-être, se répétait-il lorsque le chagrin le prenait.
    Cette lettre pourtant l’avait troublé. Quelle mission pouvait-il avoir ? Sa fille ignorait son existence. Comment pouvait-elle l’aimer ? À moins qu’Albérie n’ait révélé à la fillette la vérité sur sa naissance ? Ces questions l’empêchèrent de dormir.
    Début septembre 1530, sa décision était prise. Il s’était juché sur son âne, déterminé à pousser sa route jusqu’en Provence, en faisant escale là où le destin avait détruit sa vie.
     
    Un palefrenier prit son âne par la bride sitôt qu’on lui ouvrit le passage vers le château de Vollore et le conduisit au pas devant les marches de l’imposante bâtisse qu’il n’avait jamais approchée.
    Bénédicte s’avança à sa rencontre et, recevant sa requête pour visiter Huc de la Faye, le fit entrer par les communs. Philippus ne s’en offusqua pas. Sa mise lui interdisait souvent le vestibule des hôtes de marque, lesquels arrivaient en voiture, parés de soieries et de bijoux. Son mantel de voyage était rapiécé en de nombreux endroits et ses vêtements décolorés par les intempéries rappelaient vaguement quelque étoffe de prix, présent d’un de ses illustres malades.
    —  Vous souhaitiez me voir, messire.
    Philippus se retourna et le

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