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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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aurait mérité d’être heureuse. Hélas ! La vérité n’aurait servi qu’à la détruire davantage. Je lui ai conté que Marie avait été attaquée par des loups, qu’Albérie s’était vaillamment défendue pour les protéger toutes deux et qu’avec deux de mes hommes j’étais arrivé comme elles succombaient. La meute en nombre nous avait cernés et les gardes avaient péri. Moi seul qui tenais la torche avais pu m’échapper, blessé. Elle sombra dans une folie morne et terrible, refusant même de voir les cercueils que je lui rapportais, de connivence avec Bertrandeau, mon vieil ami. Chazeron ne revint que deux mois plus tard. Les sépultures étaient couvertes et il se contenta de laisser Antoinette gagner le couvent pour s’y reposer et prier. Il ne posa aucune question consécutive à mon récit. J’ignore s’il le crut. Marie n’intéressait pas François de Chazeron. Il continuait de rêver d’un fils, avait fini par en avoir un d’une servante fidèle, peu après le drame, mais refusa d’en épouser la mère. Elle était indigne de son rang. Guillaumet grandit jusqu’à sept ans. Il suivait les soldats partout, il était vif et joyeux, s’efforçant de ressembler à son père qui se battait pour le roi après avoir refusé de servir Bourbon. Régulièrement, la garnison de Montguerlhe était relevée et l’enfant s’amusait de ce mouvement d’hommes d’armes. Comme eux, Guillaumet avait reçu l’ordre de ne pas boire l’eau du puits. Il échappa à la surveillance et, pris par la soif, s’en régala. Il se tordit plusieurs jours durant puis mourut. François décida alors que Montguerlhe serait définitivement oublié, rayé de la carte. Il laissa faire le pillage et manda seulement trois hommes dans la tour de guet.
    —  Cette eau était saine autrefois. Que s’est-il passé ? demanda Philippus soupçonneux.
    —  Après la mort de Loraline en 1516, Albérie jeta les cadavres des loups dans la source. Un mois après, les moutons tombèrent malades, de même, la basse-cour fut décimée. Les hommes moururent à leur tour. On interdit l’accès au lieu, on désinfecta à la chaux, croyant à une épidémie transmise par le bétail, mais cela recommença et l’herboriste du Moutier, mon propre frère, conclut que l’eau en était responsable. Il en proscrivit la consommation et l’on fit porter à ceux qui gardaient la tour boisson et victuailles chaque mois, avec la relève. J’avais échappé à la camarde grâce aux conseils d’Albérie. Cela rendit fou Chazeron qui sentait bien que toute cette affaire était une vengeance. Il nous sépara, me confina à Montguerlhe, en laissant du vin pour pallier le manque d’eau, et délégua mon épouse au service de sa femme.
    —  Je vois.
    —  La légende courut dans le pays que le lieu était maudit mais cela n’empêcha pas le pillage de la troisième enceinte. De fait, l’hiver 1523 fut terrible, ici plus encore qu’ailleurs, et les bonnes gens jugèrent que la pierre les préserverait mieux des bourrasques que les rondins de bois mal joints. J’encourageai François à les laisser faire. Il était temps que leur condition s’améliorât. Lui, au fond, s’en moquait. Il avait d’autres soucis. Il restait de la famille de Bourbon du fait de son mariage avec Antoinette. La félonie de cet homme rejaillissait sur lui désormais. François de Chazeron décida de s’acheter une conduite pour faire oublier sa parentèle. Il se mit au service des armées du roi, offrit pour la rançon des enfants royaux tout l’or qu’il avait volé à Loraline et s’attira la sympathie par son geste désespéré. Durant son absence, il m’avait confié l’intendance de ses terres en plus de ma charge de prévôt. Je priai plus d’une fois pour que la mort le prît sur un champ de bataille, mais il semble que le diable protège ce bougre, car il se tira de tout sans même une égratignure. Chazeron a mille visages, je le soupçonne d’avoir plus d’une fois échangé sa vie contre quelque traîtrise.
    —  Son obsession pour la pierre philosophale existe-t-elle encore ?
    —  Hélas, Paracelse. Mais il n’en perça aucunement le secret. Il porte à son cou la clé de sa tour et ne s’en sépare jamais. Il a reçu en son temps les alchimistes les plus célèbres pour tenter de s’associer à eux, mais ils n’ont su que rire de ses théories de transmutation des corps. Nul être sensé ne peut croire qu’un loup puisse

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