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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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étaient maigres à faire peur et auraient mérité une place à table. Ils se contentaient d’attraper au vol ce qu’on daignait leur lancer ou de se jeter sur le parterre pour rattraper un os roulé dans la poussière.
    —  Il faut faire cesser cette comédie, gronda la reine.
    Elle tapa dans ses mains, murmura un ordre au garde qui se pencha à son visage, et l’instant d’après les prisonniers étaient rassemblés et regroupés vers le campement de la cour avec obligation d’un bain, d’un habit et d’une table.
    Marie en fut touchée, mais ne s’y attarda pas. Son instinct était en alerte. Elle ne pouvait quitter des yeux l’animal dressé auquel on donnait des ordres contradictoires. Plusieurs hommes, et parmi eux le dauphin, le piquaient avec un bâton, lui tiraient la queue ou la crinière. Marie sentait en elle la colère du fauve. Il grogna mais Barberousse claqua du fouet et il se tut encore.
    Le danger pourtant était là. Nul ne semblait s’en préoccuper. Pas même ce Turc qui profitait de la présence du roi à ses côtés pour lui parler de connivence. Seul le lion leur prêtait attention. Une attention que Marie voyait se transformer en haine. Elle ne contrôla plus soudain la bienséance qui eût dû la laisser simple témoin. Elle se précipita, froissant sa robe entre les tables. Sans prévenir, le lion se ramassa sur ses pattes arrière et sauta sur un page qui passait à portée, plantant une mâchoire entière dans son bras avant de le rejeter, ensanglanté. La foule hurla. Barberousse tenta d’intervenir, mais l’animal n’obéissait plus. Prêt à bondir de nouveau, il se retourna vers le dauphin.
    Mue par un fol instinct, Marie s’interposa entre eux, le regard droit dans celui de l’animal, la main tendue comme elle l’aurait fait pour apaiser une louve en colère. Elle murmura des sons qu’elle-même ne comprit pas. Contre toute attente, le fauve suspendit son attaque et s’immobilisa. Elle s’approcha de lui lentement tandis qu’il s’aplatissait devant elle, soumis. Elle ne prit pas conscience du silence incrédule qui avait entouré son geste, ni des yeux de convoitise du Turc. Elle s’agenouilla et lissa sa crinière en souriant.
    —  N’aie crainte, murmura-t-elle. Nul désormais ne t’ennuiera.
    Le lion roula sur le dos et offrit son ventre à la caresse. Marie glissa ses doigts dans la masse somptueuse du pelage puis se retourna vers le roi et Barberousse.
    —  Ne l’abattez pas, Sire. Il était seulement effrayé et n’attaquera plus.
    À ce moment seulement, elle se rendit compte qu’elle n’aurait pas dû se trouver là. Le Turc glissa quelque chose à l’oreille du roi. François I er resta perplexe, contemplant comme les autres le spectacle insolite qu’elle offrait. De fait, elle était terrorisée à son tour. Et Ma n’était plus là comme autrefois pour la protéger.
    Les deux hommes s’avancèrent vers elle. Le roi souriait et Barberousse semblait déçu de la réponse qu’il lui fit. Elle s’empara de la main tendue du monarque et se redressa, sa jupe de soie maculée de poussière jusqu’aux genoux. Elle sentit un fard lui monter aux joues ; ce fut Barberousse pourtant qui s’inclina devant elle.
    —  Vous êtes un bien précieux pour le royaume de France. Cet animal n’avait d’autre maître que moi. Qu’Allah vous protège si votre Dieu ne le fait pas.
    Il enveloppa Marie d’un regard puissant puis recula, la main sur le cœur ; lorsqu’il fut à quelques pas, il lança un ordre et sa garde le rejoignit, impressionnante, vêtue de somptueux cafetans boutonnés jusqu’au col, leurs longs cimeterres tenus au flanc par une large ceinture de toile. D’un pas ferme, il tourna les talons et s’éloigna.
    On recommençait à murmurer aux tables et dans la foule, propageant l’exploit de Marie, commentant son geste. « Comme une houle qui enfle jusqu’à la tempête », songea-t-elle, le cœur battant la chamade.
    —  Je vous dois la vie de mon fils, la mienne peut-être aussi. M’apprendrez-vous à dompter cet animal qui ronronne à vos pieds ?
    Le fauve en effet contemplait à présent Marie comme un jeune chat sa maîtresse.
    —  J’ignore comment j’y suis parvenue, Sire. C’est comme si une main invisible m’avait guidée, trouva-t-elle la force de répondre.
    —  Je n’y vois que la main de Dieu et celle qui retient la vôtre n’est que gratitude et bienveillance, mon enfant.
    —  Sire,

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