La vengeance d'isabeau
je…
— Rejoignons la table, voulez-vous ? Coupa le monarque avec douceur.
Marie lui eu sut gré. Le dauphin s’était écarté et l’on avait emmené le blessé. Le lion regarda Marie s’éloigner, sagement couché dans la poussière grise de cette place.
— Ne vous inquiétez pas, la rassura le roi. Barberousse me l’a affirmé : cet animal est dressé. Seule la méchanceté des hommes a réveillé sa fureur. Il rejoindra d’autres bêtes que l’on m’offrit et sera bien traité.
Deux lieutenants de Barberousse s’avancèrent en effet vers lui et lui passèrent une corde autour du col. Ils l’entraînèrent sur leurs talons sans incident.
— Savez-vous ce que Barberousse m’offrait pour cet exploit ? Continua le roi comme ils arrivaient aux tables, encouragés par un applaudissement qui redonna quelques couleurs à Marie.
Sans lui laisser le temps de répondre, il poursuivit :
— La liberté de deux cents esclaves contre la vôtre dans le harem de Soliman.
Marie s’immobilisa net.
— Qu’avez-vous répondu, Sire ? bredouilla-t-elle.
— Qu’aucun trésor au monde ne valait la vie de mon fils. Soliman s’en remettra, acheva-t-il en clignant un œil complice et en lui lâchant la main.
Marie se laissa tomber sur son siège plus qu’elle ne s’assit et plongea le nez dans son assiette. À peine entendit-elle Eléonore lui glisser à l’oreille :
— Soyez fière. Vous avez la faveur du roi.
Mais Marie n’y prêta pas attention. Pas davantage qu’elle ne vit la haine dans les yeux d’Anne de Pisseleu et de son voisin, un prêtre qui s’en retournait à Toulouse. Elle ne songeait qu’à se faire oublier en grignotant sa viande.
« Sorcière, grondait une petite voix dans sa tête. Ils me voient comme une sorcière. » Et cette voix amenait en elle un relent de chair brûlée.
Le lendemain, ils reprenaient la route. Marie n’avait pas réussi à dormir. Elle avait fini par se dire qu’il fallait redresser la tête. Elle n’avait aucune raison de se sentir coupable. Le roi l’estimait. Il aurait pu se débarrasser d’elle, il ne l’avait pas fait. Il la protégerait de l’inquisition si on s’inquiétait de ses dons. Rassérénée, elle sourit à chacun et se montra gaie, s’étonnant de lire un respect certain dans l’attitude de ceux qui la saluaient. Seule Anne de Pisseleu détourna la tête pour finalement lui lâcher en aparté :
— Vous ne serez qu’un caprice ! Si vous insistez, vous le regretterez.
Marie ne saisit pas sur l’instant ce qu’elle voulait dire. Elle ne le comprit que lorsque le roi vint la saluer et que son œil égrillard s’attarda sur ses formes que la grossesse avait épanouies.
— Ne vous éloignez pas de moi, insista-t-il comme Marie se sentait glacée.
Elle ne sut lui répondre, mais se tint pourtant à distance. Du dauphin comme de lui. Elle n’avait aucune envie de devenir sa favorite. Elle voulait seulement trouver sa place. Et elle savait que ce ne serait pas dans le lit du roi.
À Toulouse, Marie pourtant se rapprocha de lui. Il ne semblait pas vouloir la forcer et continuait à la présenter comme un « ventre d’exception » qui faisait gloire à laFrance. Mais l’air sentait la chair brûlée, et sur les hauteurs on dressait des bûchers chaque jour.
Une jouvencelle de quinze ans prénommée Paules’avança au-devant du cortège et offrit au roi les clefs dela ville qui se mit aussitôt à acclamer son souverain. Ils y séjournèrent trois jours. Marie s’était drapée dans un voile de dignité. À qui lui demandait conseil pour dompter un animal sauvage, elle répondait que seule la prière le pouvait et qu’elle n’avait répondu qu’à la voix de Dieu. Mais la rumeur, qu’elle refusait d’entendre, lui prêtait de nombreux pouvoirs. Y compris celui d’avoir envoûté le roi.
Lorsque le Grand Inquisiteur vint s’entretenir longuement avec lui, Marie en trembla mais s’efforça de ne rien montrer de son inquiétude. La reine lui conservait son amitié et paraissait ravie de sa présence.
De l’entrevue, elle ne sut rien, mais elle se douta que le roi avait répondu de sa foi, car ils quittèrent la ville sans qu’elle fût inquiétée, ni même interrogée. Soulagée, elle relâcha la tension qui tendait ses traits et commença à se laisser prendre par la découverte de ces cités qui les accueillaient avec effusion et sincérité. Plus ils s’avançaient en pays de
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