La vengeance d'isabeau
s’effaça.
Marie se sentait pâle, mais soutint les regards curieux. « Le mage et la sorcière, que peuvent-ils comploter ? » semblaient-ils demander. Elle releva le menton et s’éloigna à son tour.
À quelques jours de là, soit le 8 octobre 1533, le roi abandonnait la reine, le dauphin et la cour à Aubagne pour rejoindre Montmorency envoyé en fourrier à Marseille. Les derniers préparatifs du mariage ayant soulevé quelque désapprobation, le roi chargea ce dernier de dédommager les Marseillais qui avaient vu leurs maisons éventrées pour créer une allée nuptiale. Cela fait, il se prépara à rencontrer le pape Clément VII, oncle et tuteur de Catherine de Médicis.
Marie ne prêtait qu’une oreille distraite aux nouvelles qui leur parvenaient chaque soir et que chacun commentait à sa manière. Elle s’attardait seulement à comprendre ces curieuses épousailles pour pouvoir s’accommoder de la fonction que le roi lui avait donnée.
Et si autour d’elle on s’émerveillait des galères somptueuses dans le port, emplies de prélats et de présents, elle ne retenait que l’essentiel de ce mariage : Catherine de Médicis était un enjeu politique considérable. Sa dot était maigre mais représentait plus que le papier en témoignait. Le pape avait promis au roi son soutien pour récupérer ce Milanais auquel il ne cessait de rêver et que Charles Quint, son éternel rival, s’évertuait à lui reprendre. Et c’était là grande victoire sur ses ennemis que d’avoir lié avec le Saint-Père alliance aussi prometteuse.
Dans le château seigneurial du baron d’Aubagne où la cour attendait que le destin de la France se joue une nouvelle fois, Marie ne songeait qu’aux paroles de Michel de Nostre-Dame. Elles l’obsédaient par leur énigme, par leur pouvoir. Elle ne pouvait imaginer, de quelque manière que ce soit, devenir la cause de la mort du roi. Mais que pouvaient-elles signifier d’autre ? Quels étaient ou seraient ces choix dont il avait parlé ? Protégeraient-ils les siens ?
À peine se réjouit-elle des fêtes qui se préparaient et qui étaient nouvelles pour elle. À peine avait-elle conscience qu’elle avait quitté l’Auvergne depuis six mois déjà et qu’elle était sans nouvelles de sa famille tant les circonvolutions de leur voyage perdaient toute cohérence.
Puis Catherine de Médicis parut, le 23 octobre, juchée sur une haquenée rousse qui marchait l’amble. Son futur époux Henri, le second fils du roi, l’accueillit avec une morne indifférence et Marie se retrouva plongée soudain dans cette réalité qui lui avait échappé. Catherine s’agenouilla devant son promis. Elle semblait fière des manifestations de bienvenue des Marseillais, certaine de son importance.
Marie s’attarda à la dévisager. Elle n’était pas belle. Ses yeux saillaient à l’image de ces poissons qu’elle braconnait autrefois avec Constant dans la Seine. Son visage était bouffi et recevait en son milieu un nez épais et boutonneux sous le fard. De même, son cou large et court s’ouvrait sur des épaules trop rondes que sa taille moyenne ne permettait pas d’atténuer. Malgré ses atours somptueux, elle n’avait d’autre prestance que ce regard fier et cette bouche fine et sèche qui ne souriait pas.
— La pauvre enfant. Elle est orpheline et n’a connu, jusqu’à ce jour, que la haine à l’encontre de sa famille. De sorte qu’elle a vécu cloîtrée depuis son plus jeune âge. Pas étonnant qu’elle en soit ternie ! S’attendrit une comtesse à son côté.
Ces paroles firent à Marie l’effet d’un coup de fouet. Si quelqu’un pouvait comprendre le sentiment des siens, ce ne pouvait être que cette jouvencelle-là. Au moment où Catherine promena son regard dans sa direction, elle la salua. La duchesse sembla un instant surprise par ce visage empreint d’une sympathie réelle et spontanément lui rendit son sourire. Ce fut le seul qu’elle s’accorda.
Durant cinq jours, on festoya, et on échangea des cadeaux. Le lion attirait de nombreux curieux et Marie s’avisa que le cousin de Catherine, un noiraud prénommé Hippolyte, s’y intéressait de belle manière. À la première occasion, elle le signala au roi. Il trouva la remarque de Marie d’autant plus judicieuse qu’il s’agaçait de surprendre parfois le mot « sorcière » échappé d’une bouche malveillante. Marie lui plaisait, pour de nombreuses raisons.
Il offrit donc le
Weitere Kostenlose Bücher