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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avaient fait provision sur les manteaux d’hermine ou à côté. Il y avait tant de pigeons et de tourterelles à Paris que les nobles ne songeaient pas à regarder en l’air. Ils s’époussetaient, s’essuyaient, étalaient les taches pour le plus grand bonheur des sacripants. Parfois, ils se grimaient en mendiants, s’installaient sur le parvis et pleuraient après quelques pièces, repérant ainsi les bourses rebondies. Au détour d’une ruelle, ils en délestaient le propriétaire ou passaient le relais à d’autres, en attente.
    Marie avait du mal à s’imaginer au milieu de ces gens qu’elle méprisait hier encore. Ils avaient des plaisirs futiles. Comme eux. À la différence qu’ils se vautraient dans une débauche de vin, de nourriture et de sexe qui l’écœurait un peu. Elle les voyait de loin, se sentait différente, mais son rire accompagnait leurs tours, mimait leurs gestes, donnant l’illusion parfaite qu’elle se trouvait à sa place, tandis qu’elle conservait une prudente réserve.
    François I er ne perdait pas une occasion de la citer comme un « ventre d’exception ». S’il n’eût été le roi, elle l’aurait volontiers giflé.
    Auprès de la reine Eléonore pourtant, elle avait plaisir à se trouver. Discrète et d’une douceur faite de grâce, on oubliait vite avec elle son rang et sa fortune. Marie la trouvait belle. Les gens de cour la voyaient insipide tant ne brillaient que deux joyaux autour du roi : sa maîtresse Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers, si parfaite qu’un seul de ses regards suffisait à mettre la cour et le jeune duc d’Orléans en émoi.
    François I er avait entrepris ce voyage pour s’en venir à la rencontre de sa bru, une Médicis prénommée Catherine qui scellerait, par sa dot, son alliance italienne, mais c’était aussi l’occasion pour lui de présenter son épouse et le dauphin. Ainsi, chaque fois qu’ils pénétraient dans une ville, la reine et le dauphin s’y avançaient les premiers pour y recevoir des vivats de liesse.
    Il en fut ainsi au Puy où une fête somptueuse les attendait. Un banquet dressé sur la grand-place recevait toutes les chandelles de la ville. On avait barré les rues pour que le peuple pût voir le roi sans s’approcher par trop et l’on distribuait mangeaille au tout-venant.
    Marie se trouva placée près de la reine. Pour, lui dit François, qu’un peu de sa fertilité baigne le lit de France. Cette place lui convenait car la discrétion d’Eléonore n’avait d’égale que sa gentillesse. En plein repas, qu’égayaient des jongleurs et autres ménestrels, un cortège s’avança, précédé d’une solide garde, sous l’œil inquiet de la populace.
    Marie suspendit sa main qui portait à ses lèvres une cuisse de poulet aux épices et demeura bouche ouverte devant l’homme qui s’inclinait d’étrange manière dans un silence pesant. François se dressa avec un sourire affable et le salua à son tour :
    —  Khayr al-Dîn, quelle parole me portes-tu, mon ami ?
    —  Salut d’Allah pour ton âme et celui de mon maître Soliman. Voici pour te rendre grâce le présent qu’il t’envoie.
    L’homme s’écarta et Marie tendit le cou pour mieux voir. Une quinzaine de prisonniers étaient enchaînés les uns aux autres, hommes et femmes mêlés, cheveux hirsutes et visages tannés par le soleil. Près d’eux, un lion en liberté montait la garde, qui hérissa le poil de chacun.
    Le Turc lança un ordre et ses hommes détachèrent aussitôt les esclaves.
    —  Ce sont des chrétiens, Sire de France. Ils te sont rendus par Soliman en gage de son amitié.
    —  Majesté, savez-vous qui est cet homme ? demanda Marie, qui n’avait jamais eu l’occasion de voir teint aussi sombre, barbe aussi rougeoyante et habit aussi bigarré.
    —  On le surnomme Barberousse, c’est un chef pirate du Levant, capitan-pacha pour la Méditerranée et lieutenant de Soliman le Magnifique, lui répondit la reine. J’ignore ce que complote mon époux, mais je n’aime pas l’idée d’une alliance avec ce Turc.
    Marie écouta à peine la fin de la phrase. François avait rejoint Barberousse et s’approchait du lion que celui-ci venait de lui offrir. Les prisonniers s’étaient écartés vivement de sa présence et avaient atterri près des tables d’où, par jeu et en criant, on leur jetait pain et viande. Marie détourna la tête en voyant la dignité perdue de ces hères, se disputant la pitance. Ils

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