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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rigoulot
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loin de l’âme souffrante qui l’avait adopté comme un long détour pour trouver une solution à ses propres maux…
    Mais l’Homme nouveau, c’est aussi pour Guevara une réalité qui doit grandir en soi, comme un modèle se substituant progressivement à l’individu chargé, pour longtemps encore, d’individualisme et d’égoïsme.
    Un concept de la théorie révolutionnaire
    Comme modèle, l’Homme nouveau se forge peu à peu, par la lutte. La Sierra, avec ses combats à la vie à la mort, le fait grandir. On peut même dire que le combattant de la liberté, l’avant-garde du peuple, le guérillero sans peur, ne sont tels que s’ils obligent ce modèle à les habiter, à les animer. La guérilla forge cet esprit disposé au don de soi, cette conscience d’un salut possible exclusivement dans et par le groupe. C’est lui-même, bien sûr, que Guevara décrit quand il dit cette passion, ce dépouillement progressif de tout ce qui n’est pas cet être d’avenir, « suant dans les marches continuelles, laissant sécher sa sueur sur soi et y ajoutant de nouvelles sueurs sans avoir la possibilité de faire une toilette régulière » (quoique, ajoute-t-il ingénument, « cela dépende aussi de la disposition individuelle 120  » !).
    Mais, il faut tenter de conserver, après la lutte armée, cet embryon d’Homme nouveau : « Ce que nous étions en un temps de danger mortel, puissions-nous aussi apprendre à l’être dans la production […] puissions nous apprendre à être les travailleurs de la Liberté et de la Mort 121  ! », soupire-t-il.
    Mais, pour ceux qui restent encore imprégnés d’individualisme ? Pour ces étudiants, par exemple, qui veulent encore embrasser la carrière et vivre la vie dont ils ont envie, eux, sans se préoccuper des autres ? Pour ces citoyens prêts à consommer et qui ne veulent pas donner assez d’eux-mêmes ?
    Eh bien, on les forcera à faire leur choix en fonction du tout et non de leur petite personne… Guevara l’a appris dans la Sierra Maestra : quelles que soient les bonnes intentions, si l’on ne disparaît pas au profit du groupe, de la collectivité, et si l’on ne refuse pas tout avantage sur les autres, on ne mènera pas à terme cet Homme nouveau.
    Certes, il assure que la Révolution n’est pas un moyen de standardiser la volonté collective, mais « une libération de la capacité individuelle de l’homme ». Le problème est que Guevara entend par là un homme qui n’existe qu’en tant qu’il a une existence sociale et qui s’est débarrassé de tout « quant à soi ».
    Le tableau le plus précis de l’Homme nouveau est brossé dans le Socialisme et l’Homme, qui insiste sur le devoir pour l’individu de se fondre dans la société et en même temps sur son importance comme moteur de cette même société. Mais, subtilités dialectiques ou pas, il faut faire barrage aux désirs individuels. Il faut les ramener à ceux de la société – naturellement de la société telle qu’elle est conçue par l’avant-garde. Comme Staline, qui comparait le bolchevik à Antée tirant sa force de la terre pour souligner son lien indispensable avec les masses, Guevara affirme : « C’est de la masse que nous tirons notre substance », tout en ajoutant très vite que celle-ci « ne pourra avancer plus rapidement que si nous l’encourageons par notre exemple 122  ».
    Or, pour lui, la capacité de donner l’exemple se mesure à la capacité de se sacrifier : « L’homme de notre pays sait que la glorieuse époque qui lui est échue est une époque de sacrifice 123 . » L’Homme nouveau, c’est celui qui accepte le plus facilement de mourir. Voilà l’importance de la générosité du révolutionnaire : il doit donner au peuple (entendez la population, dans la mesure précise où elle refuse le capitalisme) et même se donner à lui.
    Conditions sociales d’éclosion de l’Homme nouveau
    Quant à la masse, elle ne pourra faire sien le parti d’avant-garde que lorsqu’elle aura été suffisamment éduquée en faveur du communisme… La formation de l’Homme nouveau nécessite ainsi « une série de mécanismes ou d’institutions révolutionnaires » grâce auxquels « il se produit un changement qualitatif » au sein d’une minorité désormais capable « de se sacrifier dans sa fonction d’avant-garde ». De quelles institutions parle-t-il ? Guevara évoque « un ensemble harmonieux de canaux,

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