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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rigoulot
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les cabinets pour les punir d’une peccadille.
    Mieux, beaucoup mieux : Guevara avait même son camp de redressement de poche où il envoyait ses collaborateurs qui avaient commis une faute. Le népotisme, un adultère avec la femme d’un camarade, et hop ! On était envoyé à Guanahacabibes, au fin fond de l’île, à l’ouest de Pinar del Rio. Ce hochet fut d’ailleurs fermé quand Guevara quitta Cuba. Interrogé un jour sur ce camp, l’Incorruptible des Caraïbes répondit que « Guanahacabibes n’était pas une sanction de type féodal. Il n’envoyait pas à Guanahacabibes des gens qui auraient dû aller en prison. Il n’y envoyait que ceux qui avaient manqué à la morale révolutionnaire en les sanctionnant simultanément par la privation de leur poste. Le travail y était dur mais pas inhumain. » Taibo II apporte ces précisions : « Quand il y a un vol, le voleur va en prison mais le directeur qui l’a couvert est envoyé à Guanahacabibes. […] Les gens que j’ai vus, reprend le Che, ne sortent pas de là amers et désespérés… Va à Guanahacabibes celui qui veut ; s’il refuse, il quitte le Ministère 131  ». Le Che, qui fait visiter, demande si quelqu’un est en désaccord avec la sentence qui l’a frappé. Silence, évidemment. Le camp vit en autosubsistance. Il y a une boulangerie, une école, on produit du miel, on se donne des cours.
    Déni de paternité
    Il faut citer la lettre qu’il envoie à ses enfants avant de partir au Congo : « Rappelez-vous que la Révolution est ce qui est important et que chacun de nous, en nous-mêmes, ne vaut rien. » Un passage du Socialisme et l’Homme reprend cette idée : « Les dirigeants de la Révolution ont des enfants qui dans leurs premiers balbutiements n’apprennent pas leur nom et des femmes qui, elles aussi, sont sacrifiées au triomphe de la Révolution. Le cadre des amis correspond strictement à celui des compagnons de la Révolution. En dehors d’elle il n’y a pas de vie 132 . » Et d’enfoncer le clou : « Un homme qui consacre sa vie entière à la Révolution ne peut se laisser distraire par la pensée de ce qui manque à un enfant, de ses chaussures usées, du strict nécessaire qui manque à sa famille. S’il se laisse hanter par ces préoccupations, il crée un terrain favorable à la corruption. »
    Le 9 août 1961, lors d’une conférence de presse à Montevideo, il déclare : « Je suis convaincu que j’ai une mission dans le monde. En raison de cette mission, je dois sacrifier mon foyer […], tous les plaisirs de la vie quotidienne. » En 1964, il écrit un texte émouvant, comme si, déjà, il avait pensé à partir – et qui explique peut-être qu’au fond Castro ait joué sur du velours quand il l’a poussé hors de l’île : « Mes enfants disent papa aux soldats qui sont là, qu’ils voient tous les jours […] Une vie comme celle que nous menons est une vie qui nous consume […] Nous pouvons user la machine de telle manière que pendant cinq ans, elle rende le maximum et qu’elle se brise à la sixième […] Même si l’on voit que les cadres sont fatigués, jamais personne, moi du moins, n’a dit à quelqu’un : repose-toi. »
    Sans doute jugea-t-il qu’il s’était laissé aller et il se reprit en refusant toute satisfaction à l’ego, même quand idéalisée et projetée dans un lointain avenir : « Trop souvent nous laissons prendre racine au sentiment d’autoconservation qui découle de l’idée fausse de notre importance future […] Il faut abandonner une conception fausse de notre responsabilité qui nous amène à vouloir nous sauver pour le futur 133 . » Nous ne sommes rien et nous ne serons rien dans ce futur auquel nous travaillons.
    Le bonheur de n’être plus
    Guevara pensait qu’à Cuba les premières apparitions fugaces de l’Homme nouveau avaient lieu : le travail prenait un sens, on pouvait l’accomplir en étant heureux, débarrassé du joug de l’exploiteur, en ayant trouvé sa voie et son rôle. « Aujourd’hui dans notre Cuba, le travail quotidien prend un nouveau sens. Il est donc fait avec un nouveau bonheur. »
    Mais ce bonheur était de ne plus être. Et, usant d’une métaphore reprenant le vieux problème de la théologie chrétienne sur les rapports entre liberté individuelle et nécessité, Guevara explique que l’homme « devient heureux de se sentir lui-même une dent sur une roue, une dent qui a ses propres

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