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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rigoulot
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le Che manifestait toujours les mêmes obsessions : il fallait d’abord persuader ses hommes de se sentir déjà morts pour ne pas craindre de perdre la vie. Et, quand le premier guérillero tomba au combat, Che exposa volontairement son corps au milieu du campement comme pour rappeler à chacun d’eux ce qui les attendait.
    La réalité ne correspondait guère à la théorie ? Qu’importe. Les mots étaient censés modeler la réalité dans le sens souhaité : « Nous sommes peut-être en train d’assister au premier épisode d’un nouveau Vietnam ! » déclara-t-il. Le présent ne le confirmait pas, mais Guevara avait encore foi dans le futur et dans l’Histoire avec qui il faisait corps.
    Il voulait croire encore que la guérilla, grâce à son rôle catalyseur, provoquerait « un bouleversement » politique en Bolivie. Naturellement, il n’en fut rien. La guérilla devenait tristement dérisoire : les deux premiers morts le furent par accident, noyés dans une rivière. Il semble même au lecteur du Journal de Bolivie qu’il frôle le récit surréaliste quand il apprend que Guevara n’en organisait pas moins des cours de français pour ses hommes. Et toujours les mêmes délicates descriptions, après un bon repas chez un paysan : « Journée de rots, de pets, de vomissements et de diarrhée : un véritable concert d’orgue ».
    La mort tant attendue
    La guérilla se sépara en deux groupes. Qui se perdirent, se cherchèrent et ne se trouvèrent pas. La « base paysanne » n’existait pas. Il fallait terroriser ces gens pour espérer simplement les neutraliser. La vérité est que les guérilleros les effrayaient. Les paysans n’avaient pas besoin d’eux. Leur sort s’était amélioré avec les réformes et cette guérilla risquait de leur apporter des ennuis. Ils connaissaient la brutalité des soldats et risquaient d’être les premières victimes de l’action qu’ils menaient contre ces groupes armés qu’ils ne connaissaient ni d’Ève ni d’Adam. Extrait du Journal de Bolivie  : « Il faut traquer les paysans pour pouvoir parler avec eux car ils sont comme de petits animaux sauvages [ sic ]… » Plus loin : « Les habitants ont très peur. »
    Aucun d’entre eux ne se joignit à eux. Debray et Bustos, ses contacts, furent arrêtés. Les accrochages laissèrent des vides qui n’étaient pas remplacés. Guevara tomba malade. Il perdit ses chaussures.
    Il n’en continua pas moins à foncer droit devant. À se battre. À tuer ou à être tué. Les paysans étaient coupables d’avoir peur. Mais lui-même était coupable –  en s’emportant par exemple au point de frapper la jument qui le portait d’un coup de couteau. Ses compagnons furent eux aussi jugés très sévèrement : Orlando Pantoja ? « Faible, fait preuve de peu d’initiatives » ... Marcos Pinares ? « Indiscipliné… Peu d’autorité » … Vasquez-Viaña ? « Irresponsable » … Saldaña ? « Déficient » … Camba ? « D’une couardise manifeste » … Walter ? « A manifesté peu de valeur ».
    Où l’on retrouve la face cachée de sa passion de l’intégrité, son insensibilité, sa volonté de discipline outrancière. Debray, qui le côtoya sur place, assure que « le chef exigeant […] ne reculait pas devant l’abus de pouvoir avec une sombre jubilation assez mal dissimulée ». Et de rappeler l’épisode de 1958 à Santa Clara de la jeune recrue qu’il avait envoyée sans arme chercher un fusil dans les rangs ennemis, ou celui de marches pieds nus exigées dans la jungle du Congo pour faire comme les Africains ou encore celui de la dégradation en Bolivie du commandant Pinares, pourtant membre du Comité central du PC cubain, traité de « mange-merde » devant les autres guérilleros, pour avoir donné avant l’heure un ordre de retraite 153 .
    Fatigue, faim, avitaminose causaient des ravages. La faim, au point de manger de la viande pourrie… La soif au point de boire son urine – comme sur le radeau de la Méduse  ! La fatigue, au point de s’évanouir ou d’halluciner. Les groupes ne se retrouvèrent pas. Les hommes tombèrent et le Che se retrouva dans le dernier tronçon de la guérilla.
    Les derniers contacts avec La Paz, notamment Loyola Guzman, la trésorière, s’interrompirent. Ses médicaments pour l’asthme manquaient désormais. On aurait dit une troupe de bandits, d’extraterrestres, de sorciers, comme le dit une paysanne à

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