La ville qui n'aimait pas son roi
quartier, et les relations entre la sainte union et votre frère ne sont pas au beau fixe. D’ailleurs, je doute que le commissaire vienne ici si je le convoque, ou alors il sera accompagné d’une escorte de ligueurs. Quant à le saisir chez lui! Vous ne pouvez vous permettre de déclencher une guerre entre votre famille et les bourgeois de Paris.
Elle ravala sa rage, comprenant que Cabasset avait une fois de plus raison.
— Quand la force est impuissante, il reste encore la ruse pour vaincre, la rassura-t-il. Vous savez que le curé Boucher est prêt à entendre tout ce que vous lui direz. Racontez-lui que Louchart a emprisonné la femme de Nicolas Poulain. Qu’elle est de vos amies et que vous avez une dette envers elle. Que vous souhaiteriez lui faire passer quelques douceurs. Après tout, même si Poulain est traître à la Ligue, il n’y a pas de raison que son épouse en supporte les conséquences. Une fois que vous connaîtrez sa prison, j’irai la chercher.
— Il payera quand même sa félonie! décida-t-elle après avoir accepté la proposition du capitaine. Je le ferai pendre!
Le vendredi, Louchart se rendit à l’Ave-Maria fort préoccupé. La veille, au Petit-Châtelet, il avait reçu le curé Boucher
qui, ayant appris l’arrestation de la femme de Nicolas Poulain, voulait lui porter le secours de la religion et donc savoir
où elle était enfermée. Évasif, le commissaire avait répondu qu’il se renseignerait, assurant ne pas savoir où elle avait
été transférée.
Il n’avait plus de temps à perdre. Si Boucher savait – il ignorait comment – qu’il tenait l’épouse de Poulain, dans quelques
jours les deux femmes ne seraient plus à lui. Il devait obtenir la rançon au plus vite et protéger ses arrières. Il avait
donc décidé de faire transférer Marguerite Poulain à la prison du For-l’Évêque pour la livrer à la justice du Châtelet.
C’est ce qu’il annonça aux deux femmes, avant de leur décrire les abominables conditions d’incarcération au For-l’Évêque où
les détenues étaient enchaînées dans les sous-sols au milieu de la vermine et des excréments. S’étant repus des sanglots de
terreur de Marguerite, il lut ensuite à ses prisonnières un jugement du parlement concernant deux femmes qui venaient d’être
condamnées.
— … C’étaient les filles de M. Fourcaud, un éminent procureur au parlement, hélas hérétique. Cela ne les a pas protégées, conclut-il. Elles seront brûlées en place de Grève à la fin du mois. Vous subirez le même sort! Votre procès sera rapide, madame Poulain, car la trahison de votre mari envers notre sainte Ligue catholique prouve clairement son appartenance au calvinisme…
— C’est faux! hurla Marguerite.
— Nous verrons si vous niez toujours quand je vous ferai donner la question! jeta-t-il d’un ton méprisant. Je pensais que votre époux viendrait se livrer pour obtenir votre libération, mais il ne l’a pas fait. Il ne doit guère tenir à vous.
— Je peux payer rançon, dit calmement Cassandre, qui avait frémi en entendant le nom des deux filles condamnées au bûcher.
C’étaient d’elles que son père lui avait parlé avant son départ.
— Comment feriez-vous? demanda-t-il avec dédain.
— Le banquier Scipion Sardini me fera crédit. Vous vouliez cent mille livres pour ma liberté? Je vous offre cinquante mille écus pour nous deux.
Depuis que Louchart lui avait parlé de rançon, Cassandre avait réfléchi à un moyen de piéger le commissaire, et comme elle
ignorait ce que le baron de Rosny avait proposé, elle avait ourdi son propre plan. Un plan qui ne nécessitait pas d’embuscade.
Cinquante mille écus! Louchart vacilla à l’idée de cette fortune.
— J’écrirai une lettre que vous viendrez chercher le lundi de Pentecôte pour la porter à M. Sardini, poursuivit-elle. Quand il aura rassemblé la somme, il vous le fera savoir et vous nous conduirez chez lui. C’est là-bas qu’aura lieu
l’échange.
— C’est bien compliqué, grimaça Louchart.
— Je n’ai aucune confiance en vous, et pour cent cinquante mille livres, vous pourrez vous payer une escorte pour nous emmener rue du Fer-à-Moulins. Prenez cent hommes avec vous, si vous avez peur! lui jeta-t-elle avec mépris.
— On fera comme ça, mais pas de trahison, sinon…
— Il n’y aura pas de trahison, d’ailleurs vous lirez la lettre avant de la porter.
Louchart
Weitere Kostenlose Bücher