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La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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chien, voulant rester seule pour comprendre les erreurs qu’elle avait commises
     et qui avaient provoqué la fuite de son fils.
    Deux ans auparavant, quand elle s’était rendu compte que Guise voulait se faire proclamer roi de France en tant que descendant
     de Charlemagne, elle avait décidé de rompre avec lui bien qu’elle l’aimât fort. Elle avait alors tenté une nouvelle négociation
     avec son gendre, Henri de Navarre, mais après six mois d’errance en Poitou et en Saintonge, elle avait compris que Navarre
     refuserait la conversion, et qu’il ne voulait pas admettre que pour régner en France, il fallait qu’il fût catholique. Elle
     était donc revenue vers Guise, s’accrochant à l’idée qu’il ne régnerait jamais, puisque Nostradamus ne l’avait pas prédit.
    Malgré les rumeurs qui circulaient sur ses préparatifs guerriers, elle l’avait protégé devant son fils ce sombre jour où il
     était venu à Paris bravant l’interdiction royale. Elle en espérait un peu de reconnaissance, mais Henri de Guise l’avait traitée
     comme une ennemie bien qu’elle eût accepté toutes ses humiliantes conditions pour autant qu’il laisse son fils adoré sur le
     trône.
    Pire, depuis la fuite du roi, le duc s’était ouvertement déclaré contre elle. Apprenant qu’Henri III avait quitté Paris, Henri de Guise lui avait même craché à la face : « Madame, me voilà mort! »
    Il est vrai qu’il n’était plus rien maintenant que le Louvre était vide, car ce n’était pas lui qui dirigeait Paris, c’était
     l’Hôtel de Ville, c’était la Ligue, c’était les Seize.
    L’esprit de Catherine de Médicis s’égara un instant sur cette sotte populace parisienne qui après avoir chassé son roi venait
     de déposer ses vieux serviteurs sous le prétexte qu’ils étaient suspects ou hérétiques. Ainsi les hommes d’honneur qui commandaient
     à la ville avaient été remplacés par de petits mercadans et des faquins ligueux qui ne se rendaient même pas compte que, sans
     leur roi, ils ne représentaient rien.
    Le pire d’entre eux était Jean Bussy qui se disait seigneur de Le Clerc. M. de Bezon, le chef de sa police, s’était renseigné
     sur ce petit procureur violent, cupide, et malheureusement habile. Agent des Guise au sein des Seize, factotum de l’intrigante
     duchesse de Montpensier, ce faquin qui avait déjà plusieurs fois défié son fils venait d’emporter la Bastille avec une poignée
     de bourgeois. Non seulement il s’en était proclamé le gouverneur, mais il avait contraint le duc de Guise à ratifier sa nomination.
    Qui tenait la Bastille tenait Paris. Désormais, la Ligue était maîtresse de la capitale, de l’Arsenal, du trésor royal et
     même du Louvre, ce palais que son mari Henri II avait reconstruit et tant aimé. Le duc de Guise se contentait de recevoir
     l’allégeance des ligueurs, une soumission de pure forme. Quand elle s’en était émue auprès de lui, il lui avait répondu par
     une pirouette qui cachait mal son embarras :
    — Madame, le peuple est notre maître!
    Les larmes lui vinrent aux yeux. Elle frissonna malgré le feu qui surchauffait la pièce. Elle était malade, les poumons déchirés
     par la toux. Ses rhumatismes l’empêchaient même d’écrire et de se tenir debout. Elle se sentait fatiguée et maltraitée, comme
     une barque sans gouvernail dans une tempête déchaînée. Elle avait disposé de tous les pouvoirs et n’était plus rien. Tout
     le monde l’avait abandonnée et même son fils ne voulait plus d’elle, la jugeant au service de son ennemi.
    Soudain le tonnerre gronda si fort que toute la pièce trembla. Était-ce un signe de ceux qui dirigeaient le monde dans l’au-delà?
    Elle aurait aimé prier, mais elle ne croyait pas en Dieu. Qu’y avait-il de l’autre côté? Comment serait-elle jugée? Elle avait pourtant tout tenté pour réconcilier catholiques et protestants, ou pour faire disparaître les protestants. La Saint-Barthélemy revint dans son esprit. Tout ce sang, ces cris, ces supplications dans le Louvre. Elle frissonna à nouveau.
    Son dernier ami, le cardinal de Bourbon, regrettait parfois en sanglotant de s’être embarqué dans l’entreprise ligueuse. Oui,
     Bourbon était le seul qui l’aimait vraiment. Certes, il était mou, craintif, incapable de s’opposer à Guise, mais il était
     si bon que même après qu’elle eut appris son secret, elle n’avait pas voulu l’utiliser

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