La ville qui n'aimait pas son roi
fasse libérer? ironisa-t-elle.
— Ils veulent lui faire son procès et la brûler comme hérétique, madame, lâcha Poulain dans un sanglot qu’il ne put retenir, tout en tombant à genoux.
Catherine de Médicis était une femme dure, cruelle, retorse. Elle avait accepté ou commandé toutes sortes d’abominations pour
ce qu’elle jugeait utile au royaume, maiselle gardait dans son cœur une complaisance incompréhensible pour les histoires d’amour! Cet homme qui venait l’implorer pour sauver sa femme attendrit son cœur.
— Je n’ai aucun pouvoir pour y parvenir, monsieur Poulain, lui dit-elle doucement. Je n’ai tout simplement plus aucun pouvoir. En aurais-je encore un peu que je le ferais. Je vous le jure!
» Je vous ai fait chercher quand Mgr de Guise est venu à Paris, ajouta-t-elle plus sévèrement. J’avais appris que vous étiez
à mon fils et je voulais vous parler. Vous seriez venu, bien des choses se seraient déroulées autrement.
— Je ne suis pas venu, madame, car j’avais peur de votre colère.
— Je ne voulais pas me venger, monsieur Poulain. Je voulais juste vous parler de votre père.
— Mon père?
— Oui, ce père dont vous ignorez l’existence. Je l’ai souvent rencontré, c’est mon ami.
— Mon père est encore de ce monde?
— Oh oui! Seulement il n’est pas dans le parti du roi. Peut-être devrez-vous changer de camp….
— Quel que soit le respect que j’éprouve pour lui, madame, je resterai au roi. Je suis un homme qui n’a qu’une fidélité.
Elle l’observa. Devait-elle lui dire maintenant? Quel avantage en tirerait-elle? Son père pouvait certainement sauver sa femme, et si elle gardait ce Poulain à son service, cela lui serait bien utile maintenant que tout le monde l’abandonnait.
Comme le silence se prolongeait, Nicolas Poulain supplia :
— Madame, je vous en prie… me direz-vous qui est mon père?
Il était venu pour sa femme, mais Catherine l’avait entraîné sur un autre terrain, presque aussi important pour lui.
— Votre père peut sauver votre femme, affirma-t-elle sans émotion. N’avez-vous aucune idée de qui il s’agit?
— Non, madame. Ma mère n’était qu’une servante.
— Elle a été servante pendant trois ans dans la maison du gouverneur de Paris. Vous avez trente-quatre ans… Vous souvenez-vous qui j’ai nommé en 1561 comme gouverneur de Paris?
» Ça ne m’a pas été difficile de le retrouver, poursuivit-elle sans attendre de réponse. C’est lui qui vous a fait parvenir
votre lettre de provision. Je l’ai interrogé et il l’a reconnu.
— Le… le cardinal… bafouilla Nicolas.
— Oui, le cardinal de Bourbon. Vous êtes le fils naturel du cardinal de Bourbon. Vous êtes un Bourbon! Bâtard, certes, mais le sang de Louis IX coule dans vos veines, et mon gendre Navarre est votre cousin, fit-elle d’une voix atone, comme à regret.
Nicolas restait pétrifié, tout comme Olivier qui n’osait ouvrir la bouche, car si la reine ne mentait pas, Nicolas était le cousin de Cassandre!
Catherine de Médicis jeta un regard interrogatif à M. de Bezon, qui hocha légèrement la tête.
— Vous savez tout, maintenant, monsieur Poulain, dit-elle en soupirant. J’espère que vous aurez quelque reconnaissance envers une vieille femme. Le cardinal est arrivé à Paris, il y a deux semaines. Il loge à l’abbaye de Saint-Germain. Je vais dicter une lettre que vous lui remettrez. Il écrira un ordre pour l’abbesse de l’Ave-Maria et votre épouse sera remise en liberté. Après tout, Mgr de Bourbon a été choisi comme l’héritier du trône, la Ligue n’osera pas lui désobéir, persifla-t-elle.
L’esprit en désordre, Nicolas Poulain peinait à maîtriser le flot de ses pensées. Ce père, cela faisait plus de trente ans
qu’il se l’imaginait. Il ne s’était écoulé une heure sans qu’il y songe. C’était devenu une obsession chaque jour plus prenante,
or non seulement la révélation de la reine lui faisait connaître son nom mais il pouvait aussi y associer un visage, car il
avait aperçu plusieurs fois le cardinal.De surcroît, il apprenait qu’il était de sang royal, c’en était trop à la fois.
Ce fut la pensée de sa femme, emprisonnée, condamnée peut-être à être brûlée vive qui le fit revenir à la réalité.
Les yeux dans le vague, il considéra M. de Bezon, Olivier, puis la reine, et se mit à balbutier :
— Madame… Il sera dit que je
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