La ville qui n'aimait pas son roi
devenu blanc. La petite fraise qu’il portait s’était déjà teintée de rouge.
— Ne… ne me tuez pas… gargouilla-t-il… Je vais vous libérer.
— Trop tard! sourit Cassandre cruellement. Vous criez, vous êtes mort… d’accord? Vous ne serez pas le premier que je tuerai.
Elle ôta l’épée qu’il portait dans un fourreau à sa taille et la jeta au loin. C’était sa seule arme.
— Enlevez votre pourpoint et votre bonnet, dit-elle en reculant.
Il s’exécuta.
Marguerite, qui s’était relevée, avait sorti les lanières fabriquées depuis quelques jours en tressant des bandes de toiles
de son jupon. Cassandre fit retourner Louchart et lui demanda de mettre les mains dans son dos, elle remit la lame sous sa
gorge pendant que Marguerite le garrottait en serrant autant qu’elle pouvait.
Avec un autre morceau de jupon, elles lui firent un bâillon après lui avoir empli la bouche avec son propre mouchoir. Puis
Marguerite alla à la porte par où elles étaient entrées. Elle l’entrebâilla.
— M. le commissaire veut vous parler, ma sœur, dit-elle d’une voix éteinte.
La sœur tourière entra sans méfiance, tenant sa lanterne. Cassandre, derrière la porte, lui enfonça la lame suffisamment fort
dans le flanc pour qu’elle en sente la pointe.
— Ne bougez plus! Criez, et je vous tue!
La femme colosse devait craindre l’au-delà, car elle se mit à trembler. Déjà Marguerite lui avait pris la lanterne des mains
pour la poser par terre et lui tirait les poignets en arrière. Elle l’attacha solidement, puis la bâillonna sous le regard
terrorisé de Louchart persuadé que sa dernière heure était arrivée.
Quand ce fut terminé, Cassandre les conduisit tous deux dans leur cellule et poussa les verrous. Peut-être s’apercevrait-on
qu’ils étaient là avant qu’ils ne meurent étouffés, se dit-elle, satisfaite que l’affaire se soit si bien déroulée.
Elle rejoignit Marguerite, qui attendait, morte de peur maintenant que l’excitation était passée.
Elle l’accola, la serra contre elle pour la rassurer.
— Nous serons bientôt dehors, promit-elle. Je vais voir si la voie est libre.
Elle ouvrit la porte donnant sur l’escalier par lequel elles étaient arrivées, trois semaines plus tôt. L’entrée était à peine
éclairée par un falot de fer suspendu à une chaîne. En bas, sur un banc, deux gardes en casaque levèrent une tête ahurie en
la voyant sortir du parloir. Cassandre se sentit soulagée. Si les archers de Louchart étaient là, il n’y en aurait pas d’autres
dans le vestibule d’entrée. Comme elle avait déjà tué un des concierges, avec un peu de chance elles ne rencontreraient que
des sœurs en sortant. Il fallait quand même se débarrasser de ces deux-là.
— M. Louchart veut que l’un de vous vienne, leur lança-t-elle d’une voix soumise avant de rentrer dans le parloir.
Ils s’interrogèrent du regard, puis le plus gros se leva et monta en soufflant, tant il avait du mal à déplacer son corps.
Quand il passa la porte, Cassandre le frappa de toutes ses forces sur la nuque avec le manche de sa dague. Elle ne pouvait
frapper sur son crâne, car il portait unmorion. Il vacilla, étourdi, mais ne tomba pas. Elle recommença, mais constatant qu’il ne tombait toujours pas, elle lui enfonça
la lame dans la gorge. Il gargouilla et s’écroula plein de sang. Elle le retint un instant pour qu’il ne fasse pas trop de
bruit avec son épée, poussa la porte pour que l’autre archer n’entende rien.
— Vite, déshabillons-le!
— Vous… vous l’avez tué… fit Marguerite, horrifiée.
— Oui, et j’en suis désolée, mais je n’avais pas le choix, c’était lui ou nous.
Elle était sincèrement affligée. Cet homme avait peut-être une femme, des enfants. Il n’avait pas demandé à être là. Mais
ce n’était pas le premier homme qu’elle tuait. L’époque était cruelle.
Marguerite lui ôta ses souliers puis ses hauts-de-chausses. Dans sa nudité, il était sale et puait. Elle en fut dégoûtée.
Pendant ce temps Cassandre avait débouclé son ceinturon et lui retirait sa casaque, malheureusement un peu ensanglantée.
— Mettez ses habits! dit-elle.
— Ils me seront trop grands, objecta Marguerite, écœurée.
— Alors enfilez le pourpoint de Louchart.
— J’ai trop de tétons! tenta de plaisanter l’épouse de Nicolas pour se donner du courage.
— Vous les
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