La ville qui n'aimait pas son roi
gourmandise.
Il savait qu’il était vaincu.
Les États avaient été convoqués au début du mois de juillet, mais dans une France en guerre, les élections avaient pris beaucoup
de temps. Après quoi, les députés avaient dû se rendre jusqu’à Blois. L’ouverture prévue le 15 septembre avait donc été remise
au 2 octobre.
À mesure que les représentants arrivaient, le roi les recevait et leur demandait de lui être fidèle. Mais le duc deGuise en faisait autant et la plupart étaient ligueurs, sauf une minorité dans la noblesse, aussi le cardinal de Guise fut-il
porté à la présidence du clergé, le comte de Brissac à celle de la noblesse et La Chapelle-Marteau à celle du tiers. Pour
le roi, ce fut un échec et une nouvelle humiliation. Les trois ordres seraient dirigés par ses ennemis, or le sujet le plus
important sur lequel les États devaient prendre une décision était la succession au trône.
Le vendredi 7 octobre, le comte de Soissons arriva à Blois où il se prosterna au pied d’Henri III, demandant à nouveau pardon
d’avoir porté les armes contre les catholiques. Comme le roi attendait de savoir si le pape allait lui pardonner, l’ouverture
des États fut différée de quelques jours et c’est finalement le dimanche 16 octobre que fut ouverte la première séance.
Dans une langue claire et éloquente, Henri III prononça une harangue très dure envers ceux de la Ligue, déclarant que leurs
actions et déportements ne lui plaisaient point et qu’il avait quelque envie de venger l’injure que lui avaient faite les Parisiens, à l’instigation
du duc de Guise.
Le duc, qui l’écoutait, en fut si fort fâché qu’il changea de couleur et de contenance. Le lendemain, le cardinal son frère
se rendit près du roi avec une délégation du clergé pour le tancer, le menacer, et lui commander de se rétracter. Ce qu’accepta
Henri III dans la version imprimée de son discours.
Pendant cette rétractation, survint un violent orage de grêle accompagné d’une si grande obscurité qu’il fallut allumer les
lanternes en plein jour, ce qui fit dire à quelqu’un que c’était le testament du roi et de la France qu’on écrivait, et qu’on
avait allumé la chandelle pour lui voir jeter le dernier soupir.
Pendant le discours, Nicolas Poulain remarqua l’absence de Juan Moreo qui jusqu’à présent accompagnait toujours le duc de
Guise. Le jour de la rétractation, il ne le vit pasplus. Comme Moreo logeait en ville à l’auberge du Cheval-Blanc, Nicolas lui fit porter un pli au contenu insignifiant. Son
messager revint en déclarant que le commandeur avait quitté Blois.
Pouvait-il être déjà parti à Bruxelles chercher le troisième versement d’or?
Nicolas s’en ouvrit le soir même à Olivier. Jusqu’à présent, ils avaient envisagé que le convoi arriverait à Paris vers le 8 novembre, les deux précédents ayant été remis à Guise le 9 janvier et le 8 mai. Devaient-ils avancer leur entreprise quand la situation s’était brusquement tendue à Blois entre Guise et le roi?
Ils s’en inquiétèrent auprès de Venetianelli. Le comédien promit de se renseigner sur l’absence de Moreo auprès du chevalier
d’Aumale, qui l’appréciait pour son indulgence envers la sœur de sa maîtresse. C’est ainsi que le jeune abbé chevalier de
Malte expliqua à Il Magnifichino que don Moreo était parti en Belgique pour affaire, mais qu’il reviendrait avant un mois, le duc de Guise l’attendant avec
grande impatience.
Ce ne pouvait être qu’avec le convoi d’or, jugèrent les trois hommes. Disposant de trois cent mille écus supplémentaires,
Guise pourrait acheter les derniers indécis et, déjà maître du château, se saisir sans difficulté d’Henri III. À l’inverse,
le roi n’avait même pas vingt mille écus en caisse et ne pouvait plus payer les gentilshommes de sa chambre ni sa garde suisse.
Il envisageait de demander une avance de cent vingt mille écus aux États généraux qu’il n’était pas certain d’obtenir. L’or
espagnol serait pour lui une providence.
Le lendemain, Poulain et Olivier prévinrent ceux qui devaient participer à l’aventure. Ils se retrouvèrent tous dans la grande
chambre d’Isabeau, celle où elle avait failli trouver la mort quand Venetianelli lui avait tiré dessus.
Les derniers arrivés furent le marquis d’O, Dimitri et M. de Cubsac. Quand ils furent
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