La ville qui n'aimait pas son roi
de décider :
— Allons, la résolution est prise, il n’y faut plus penser!
Ils partirent. De toute sa troupe, nul n’avait de chapeau à panache sauf lui. Un chapeau avec un grand panache blanc. Il était
resté vêtu en soldat, comme si ce jour devait être un jour ordinaire, avec sa cuirasse sur son pourpoint usé et déchiré, un
haut-de-chausses de velours couleur feuille morte, un manteau écarlate, et bien sûr l’écharpe blanche, comme ses compagnons.
La troupe arriva au pont de La Motte une heure après midi. Châtillon l’attendait en compagnie du maréchal d’Aumont. Nulle
part on ne voyait de troupe royale. En s’approchant, Henri de Bourbon et ses gens remarquèrent l’expression de colère de Châtillon
et le visage mal à l’aise d’Aumont.
— Sire, le roi ne viendra pas! déclara Châtillon dès qu’il fut à portée de voix.
Châtillon avait toujours été opposé à cette rencontre. Olivier chercha Nicolas des yeux et ne le vit pas parmi les gentilshommes d’Aumont. Un picotement lui parcourut l’échine. Il y avait bien traquenard, comme il le redoutait! Qu’était devenu son ami?
Dans le groupe de gentilshommes du maréchal se trouvait Louis de Rohan, récemment fait duc de Montbazon 2 . Un de ses oncles avait épousé la sœur du père de Jeanne d’Albret, la mère de Navarre. Il s’approcha et prit la parole, en
espérant que Henri de Bourbon lui ferait confiance.
— Le roi ne viendra pas, c’est vrai monseigneur, mais il vous attend au château du Plessis, expliqua-t-il, confus.
— Ce n’était pas ce qui était dit, promis, écrit et paraphé, remarqua sèchement Navarre.
— En effet, monseigneur, mais quand la ville a su que vous alliez venir, le peuple en liesse a décidé de vous accueillir. C’était impossible le long du fleuve. Sa Majesté a souhaité vous recevoir dans de meilleures conditions au château du Plessis. Il y a suffisamment de place aux alentours pour garder la foule à l’écart, bien que déjà des milliers de gens vous attendent pour vous acclamer…
Le roi de Navarre risqua un sourire. Il connaissait sa popularité, tant il savait gagner les cœurs, aussi l’argument du duc
lui parut recevable.
— Et comment monseigneur se rendra-t-il sur l’autre rive? demanda un gentilhomme d’un air narquois. En prenant le pont et en passant par la ville de Tours? Le piège est un peu grossier, monsieur d’Aumont!
Aumont pâlit sous l’injure, mais il garda son sang-froid.
— Le roi a fait venir des bateaux et des barques. Ils vous attendent sur la rive, dit-il d’une voix égale.
Il désigna le fleuve.
— C’est un piège, sire! intervint La Rochefoucauld qui avait galopé jusqu’à la rive. De l’autre côté, j’ai vu un nombre incroyable de Suisses. Le château du Plessis se dresse au bout d’une étroite langue de terre entre la Loire et le Cher. Si vous traversez, vous y serez prisonnier.
— Rosny, qu’en dis-tu?
— Je ne sais pas, sire, ce changement est tellement inattendu, répliqua le baron, embarrassé.
— Et vous Fleur-de-Lis?
— Où est M. de Dunois? demanda Olivier à Aumont.
— Il vous attend en face.
— Laissez-moi traverser avec une demi-compagnie, sire, si Nicolas est bien là, les hommes se mettront en position pour garder le passage. Je reviendrai et nous ferons passer trois cents arquebusiers, ensuite vous pourrez venir sans crainte.
— Rosny?
Le baron approuva du chef.
— Châtillon?
Après une hésitation, le fils de Coligny hocha aussi du chef, mais en grimaçant.
— Allez-y, Hauteville. La Rochefoucauld, accompagnez-le.
Tirées de l’autre rive, les barques à fond plat permirent de faire passer une centaine d’arquebusiers, leurs chevaux ainsi
que quelques gentilshommes. Les mariniers étaient adroits et malgré le courant dû aux récentes pluies, ils arrivèrent à bon
port en suivant les cordes tendues entre les rives. La première personne que vit Olivier fut Nicolas en compagnie de François
de Richelieu, de Larchant et du jeune Angoulême, le fils de Charles IX et de Marie Touchet.
Les deux amis s’embrassèrent et Nicolas confirma en tous points les explications du duc de Montbazon. D’ailleurs, tout autour
d’eux, s’il y avait deux ou trois cents Suisses, partout où le regard portait on apercevait des centaines d’hommes et de femmes
vociférant et acclamant, demandant le roi de Navarre. Ceux qui étaient juchés en haut des
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