La ville qui n'aimait pas son roi
et frère de Saint Louis, avait élevé là un grand corps de logis à l’extérieur de la ville mais appuyé
sur la courtine. C’était une forteresse entourée d’une muraille crénelée et garnie de tours qu’on appelait alors l’hôtel d’Artois.
Bien plus tard, le château était revenu au duc de Bourgogne par sa mère, la comtesse d’Artois. En ce temps-là, le roi de France
Charles VI, était fou et son frère Louis d’Orléans assurait la régence. Le duc de Bourgogne Jean sans Peur s’opposait à lui,
car il voulait rattacher le duché d’Artois à son duché. Pour mettre fin à sa querelle, Jean sans Peur avait fait assassiner
Louis d’Orléans 5 . Devenu régent, Jean sans Peur avait agrandi l’hôtel d’Artois et fait construire un donjon rectangulaire en pierres de taille
surmonté de merlons en encorbellement.
Plus tard, à la mort de Charles le Téméraire, l’hôtel forteresse avait été confisqué par la couronne et laissé à l’abandon.
Ruiné et occupé par des truands et des gueux, François I er l’avait mis en vente en le découpant en deux portions séparées par une rue percée au milieu de la vieille forteresse : la
rue de Bourgogne 6 ou rue Neuve-Saint-François.
— Il faudrait surveiller l’ambassade, proposa Olivier.
— C’était mon idée, il y a peut-être aussi une enquête à conduire au Temple où logent les hospitaliers, et dans les grandes hôtelleries environnantes si Moreo s’installe dans l’une d’elles.
— Il Magnifichino jouait à l’hôtel de Bourgogne, chez les Confrères de la Passion . S’il y est encore, il pourrait nous aider, dit Olivier à Cassandre.
Les Confrères de la Passion et de la Résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ était une très vieille société qui représentait les mystères de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ils avaient longtemps possédé
une salle dans la rue Saint-Denis, à l’extérieur de l’enceinte, et quand les parcelles de l’hôtel de Bourgogne avaient été
mises en vente, ils en avaient acheté une pour y construire un théâtre. Mais leurs pièces religieuses ennuyaient désormais
le public qui préférait les farces, aussi louaient-ils leur salle à d’autres troupes, souvent des comédiens italiens.
— Mais si je le retrouve, je ne sais pas comment je pourrai l’interroger, poursuivit-il.
— Votre ami Poulain pourrait avoir quelques idées sur la façon de s’y prendre… S’il s’agit d’or pour Mgr de Guise, il ne faut pas qu’il le reçoive, et ce serait encore mieux si cet or allait dans les poches de Mgr de Navarre.
— Recommencer l’affaire des quittances? sourit Cassandre, qui avait déjà hâte de se trouver à Paris.
Olivier ne voulut pas la contredire mais haussa les sourcils pour marquer son incrédulité.
— À trois ou quatre? fit-il. Voler un chariot plein d’or appartenant à Guise?
— Je ne sais pas, faites au mieux! fit Mornay avec une grimace. Je sais que vous êtes un homme de ressource, Olivier, nul ne pourrait être mieux préparé… Ne prenez cependant pas de risques inutiles. Peut-être aurez-vous besoin de l’aide du marquis d’O. Avez-vous une idée de l’endroit où vous logerez?
— Pas chez moi en tout cas, affirma Olivier. Ce serait trop dangereux. Nous demanderons conseil à la mère de Cassandre, sinon nous irons dans une hôtellerie. Pourrez-vous nous obtenir des passeports signés par le chancelier?
— Mgr de Navarre me les a déjà donnés ainsi qu’une lettre à remettre à son cousin le roi, à votre sujet.
À La Rochelle, Charlotte Arbaleste s’occupa de l’organisation de la cérémonie et du dîner qui suivrait. La célébration eut
lieu le dernier jour du mois de mars dans une grande salle de la maison d’un échevin, M. Gargouillaud, souvent utilisée comme
temple. Ce fut un pasteur ami de Léonord Chabot, baron de Jarnac et gouverneur de La Rochelle, qui officia. Il y eut ensuite
une brève bénédiction donnée par le prêtre catholique à laquelle plusieurs des invités protestants n’assistèrent pas.
La veille, un contrat de mariage avait été signé chez un notaire de la ville. Cassandre avait été dotée de dix mille livres
par Henri de Navarre et M. de Mornay en avait fait autant sur sa cassette personnelle. Olivier, lui, apportait quinze mille
livres, toute sa fortune gagnée au fil des butins, mais aussi sa maison de Paris qui était estimée à six mille
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