La ville qui n'aimait pas son roi
livres. Si
les futurs époux n’étaient pas riches, ils étaient loin d’être pauvres, et Cassandre savait que sa mère lui avait aussi réservé
une dot.
Comme c’était l’usage dans les mariages mixtes, le contrat de mariage prévoyait que les enfants mâles issus du couple seraient
élevés dans la religion de leur père et les filles dans celle de leur mère. C’est chez le notaire qu’Olivier découvrit des
témoins inattendus invités par M. de Mornay. Au premier rang se trouvait M. de Rosny. Mornay avait ainsi surmonté son aversion
envers son vieil adversaire, car en ce jour de liesse, il voulait oublier ce qui les séparait. Cassandre et Olivier en furent
profondément touchés.
Étaient aussi présents François de La Rochefoucauld, le colonel général de l’armée protestante venu avec Louis de Courcillon,
seigneur de Dangeau, qui l’année précédente avait failli pendre Olivier quand il se rendait à Montauban avec Nicolas Poulain
et Il Magnifichino . Il y avait encore Agrippa d’Aubigné, qu’Olivier estimait fort depuis la bataille de Coutras où il s’était distingué, et
enfin Léonord Chabot, le gouverneur de la ville.
Le dîner de noces fut pris dans la salle d’un jeu de paume, à quelques pas de la maison où avait eu lieu la cérémonie. Malgré
une pluie torrentielle, des éclairs éblouissants et de fracassants coups de tonnerre qui déchiraient l’air, deux centaines
de convives se pressèrent autour des grandes tables dans la pièce enfumée par les flambeaux de suif.
Les protestants affectaient la simplicité et la sobriété dans leur façon de s’habiller, aussi n’y avait-il que peu d’habits
fantaisistes ou colorés. Les pourpoints et les hauts-de-chausses bouffants étaient gris et les capes noires. Les gentilshommes
portaient toquets à plume et épée, souvent à poignée dorée. La plupart avaient le cou serré dans une fraise brodée de cérémonie,
quelquefois de grande taille. Beaucoup arboraient une chaîne d’or, et celle de M. de Rosny était la plus grosse de toutes.
En revanche les quelques marchands et armateurs invités par M. de Mornay étaient tête nue et ne portaient que de petites fraises.
Les femmes aussi étaient en noir, mais avec des robes de soie finement brodées. La plus belle était certainement celle de
Cassandre, saisie dans les bagages de la duchesse de Montpensier, lors de la prise de la maison forte de Garde-Épée, et son
corsage parsemé de perles mettait sa gorge en valeur. Le jeune épousée avait placé à sa table ses amies : Claude d’Estissac,
fille d’un gouverneur de La Rochelle qui venait de se marier avec François de La Rochefoucauld, et Marie de Rochechouart,
veuve remariée avec le baron de Jarnac, le gouverneur de la ville. Elle avait aussi invité Isaac de La Rochefoucauld pour
avoir près d’elle Hélène de Surgères dont elle avait apprécié l’ironie.
À la table d’honneur, les deux époux étaient côte à côte. M. de Mornay se tenait près de sa fille et le baron de Rosny était
le voisin d’Olivier. Après plusieurs services abondants de poissons et de viandes, et comme les esprits étaient échauffés
par le vin, les conversations s’orientèrent vite surles avantages et les inconvénients du mariage, la procréation et le rôle de la femme dans le couple.
— La plus grande bénédiction que Dieu puisse vous envoyer, ma fille, c’est une bonne lignée! commença Charlotte Arbaleste.
— Le mariage n’aurait été institué que pour la procréation et non pour le plaisir? railla Hélène de Surgères. J’ai pourtant ouï parler de fort honnêtes dames qui craignaient d’enfler par le ventre et faisaient tout pour l’éviter!
— Si une femme engrosse, c’est par la volonté de Dieu et non pour le plaisir désordonné et la paillardise, la coupa Marie de Rochechouart.
— Il faut rester à égale distance entre pruderie et paillardise, remarqua le baron de Rosny. Vous savez ce que l’on dit, Olivier : Qui ne contente pas son mari, le laisse ailleurs chercher son repas!
— Vous avez peut-être des conseils à me donner, proposa Cassandre les yeux baissés dans une fausse modestie.
En même temps, elle avait pris la main de son époux qu’elle tenait serrée.
— Quand on veut parler d’amour, il faut toujours commencer ses propos par l’amour de Dieu! intervint le père Louis, le prêtre catholique.
— Vous autres
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