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La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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grand Ronsard. Sa fille, Marie de Surgères, élevée dans la religion catholique, était à son tour à la
     cour de la reine mère.
    Olivier, M. de Mornay et M. de La Rochefoucauld marchaient en tête du cortège tandis que Caudebec, Antoine – un jeune officier
     protestant au service de Mornay– et deux gentilshommes du baron de Montendre, fermaient la marche. Les hommes d’armes entouraient
     le coche de Charlotte Arbaleste tiré par quatre chevaux et la litière d’Hélène portée par des mulets.
    Cassandre n’avait rien dit quand son père lui avait résumé leur discussion avec le roi de Navarre et l’accord donné à Olivier
     pour qu’il conduise une enquête à Paris. Elle n’avait pas plus parlé à son futur époux, se contentant avec une soumission
     apparente des explications qu’il lui avait données. En ce temps de guerre, les hommes ne restaient guère avec leur épouse,
     et elle avait besoin de réfléchir. Pour cette raison, elle avait souhaité faire le voyage avec l’épouse d’Isaac de la Rochefoucauld
     plutôt qu’en compagnie de sa mère adoptive.
    Hélène de Surgères avait quarante-cinq ans. Amaigrie, émaciée, de profonds sillons d’amertume aux commissures des lèvres,
     la chaste saintongeoise, comme on l’appelait encore, bien qu’elle ait eu plusieurs enfants, avait perdu sa beauté chantée par Ronsard. Il était loin le temps où,
     surnommée la Cruelle Lucrèce , elle avait été chassée de la cour pour dépravation 2 avec son amie Mlle de Bacqueville. Mais si son charme s’était fané, elle avait gardé son esprit piquant et incisif. En l’entendant
     raconter sa vie à la cour, Cassandre n’avait pas vu le temps passer bien qu’elle n’écoutât que d’une oreille distraite, car
     elle se préparait à ce qu’elle allait annoncer à son père… et à Olivier.
    C’est le soir au château de Surgères, massive forteresse moyenâgeuse cerclée de huit tours et entourée de marais, qu’elle
     parla à M. de Mornay.
    Toute la maisonnée était dans la grande salle, devant la cheminée, et Hélène se moquait gentiment de son ancien amoureux,
     Pierre de Ronsard, en récitant, debout avec un luth, ce poème qu’elle connaissait par cœur :
    Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle ,
    Assise auprès du feu, dévidant et filant ,
    Direz chantant mes vers, en vous émerveillant ,
    Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
    Le baron avait laissé à ses invités plusieurs chambres dans les tours et Cassandre, dès la fin du souper, avait demandé à
     son père adoptif de rester un instant avec lui en tête à tête. Ce serait leur premier affrontement, songeait-elle, le cœur
     serré.
    — Mon père, – elle l’appelait toujours ainsi –, j’ai longuement pensé avant de prendre ma décision : après notre mariage, j’accompagnerai Olivier à Paris.
    Sans être surpris par cette demande, car il connaissait le tempérament de Cassandre, Philippe de Mornay sentit la douleur
     lui déchirer le ventre.
    — N’y songe pas, ma fille! répliqua-t-il, en essayant de garder une voix ferme. La situation à Paris n’a jamais étéaussi sombre pour ceux de notre religion. Sais-tu ce que je viens d’apprendre? En janvier, les filles d’un procureur au parlement, M. Foucaud, qui est protestant, ont été arrêtées à la demande des curés de Saint-Eustache et de Saint-Séverin pour ne pas être allées à la messe. Le roi, refusant la dictature de ces prédicateurs, est allé les voir dans leur prison et s’est engagé à les libérer sur la seule promesse qu’elles se rendraient à l’église, ce qu’elles ont refusé pour ne pas déplaire à Dieu. Les curés les ont donc renvoyées au parlement pour qu’elles soient jugées comme damnables et brûlables. On va revoir des abominations comme lors de la Saint-Barthélemy.
    Il se tut un moment, la gorge nouée.
    — Réfléchis, Cassandre, en quoi serais-tu utile à Olivier?
    — La place d’une femme est près de son mari, monsieur mon père, répondit-elle avec douceur. Quant à mon utilité, je crois en avoir déjà fait la preuve lorsqu’il s’est agi de mettre fin aux rapines du duc de Guise.
    — Mais tout a changé depuis, ma fille! Les prisons du roi sont remplies de religionnaires dans l’attente de leur procès et de leur exécution. Olivier ne restera pas longtemps absent…
    — J’irai, mon père, c’est mon devoir. Mon frère est mort, peut-être

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