La Violente Amour
affaire, Monsieur de Siorac, vous tient à cœur dès que nous serons l’un
et l’autre en état de porter les armes, je ne faillirai pas à vous en rendre
raison.
À quoi, sans
mot piper, j’inclinai sèchement la tête en signe d’assentiment.
— D’Aumale !
cria Nemours en se tournant sur sa selle, ne languissons pas plus outre !
Les royaux marchent sur nous ! Piquons ! Adieu, Monsieur de
Rosny ! Adieu, Messieurs, je vous recommande aux courtoisies de M. de
Rosny et à la Sainte Garde de Dieu !
Tous trois
s’en furent alors, galopant fort bien, à ce que je vis, tandis que les quatre
gentilshommes que j’ai dits se mirent à notre suite et à très petits pas, leurs
montures les portant à peine, et non sans qu’au préalable, M. de Sigogne eût,
avec un certain air de pompe, remis à M. de Rosny la cornette de Mayenne,
laquelle était un superbe étendard en étamine de soie blanche, parsemée de croix
de Lorraine brodées en fil de soie noire. Toutefois, M. de Rosny, ne la pouvant
tenir ferme assez, ayant blessure aux deux bras, me la tendit. Et dois-je
confesser ici que je n’en crus pas mes yeux de me voir porteur de ce trophée,
moi qui m’étais trouvé quelques moments plus tôt sans cheval, sans arme, gisant
pâmé à terre et laissé quasi pour mort sur le champ de bataille par une armée
que je cuidais vaincue. Retournement des choses plus inouï, si plus se peut,
pour M. de Rosny qui, blessé en toutes les parties du corps hors les vitales,
se trouvait acculé à pire fortune encore, se terrant sous son poirier comme
lièvre dans un buisson, et attendant pour ainsi parler d’être achevé par la
dent d’un chien, alors que de présent, il revenait victorieux en son camp avec
quatre prisonniers de haut rang qui lui seraient à honneur et à rançon, et en
outre, en possession, ès poings de son second, de la cornette du général
vaincu.
Je me
ramentois avoir lu dans mon histoire romaine que l’Imperator, à qui le Sénat accordait
le triomphe, se faisait répéter par un esclave qui le suivait en cette
cérémonie que la roche tarpéienne (d’où l’on précipitait dans le vide
les condamnés à mort) était proche du Capitole où le menait son char
glorieux. Mais dans le présent cas, tout au rebours, on eût pu dire de M. de
Rosny que le Capitole était, la Dieu merci, tout proche de la roche
tarpéienne dont il venait de réchapper.
Ces quatre
prisonniers – dont vous pouvez être assuré, lecteur, que M. de Rosny, tout
navré et fourbu qu’il fût, soupesait déjà la rançon, d’après la connaissance
qu’il avait de leurs particulières fortunes –, étaient MM. de Sigogne,
Chanteloup, d’Aufreville et de Châtaigneraie, lequel étant le moins blessé des
quatre, ne pouvait savoir, alors, qu’il n’avait plus que quelques minutes à
vivre. Je vais en dire ici le qu’est-ce et le comment.
M. de Rosny
nous menant à la parfin dans la direction dont nous étions partis, à notre
dernière charge, entre les villages de Boussey et de Lente, nous trouvâmes là
beaucoup de monde, et en particulier les Suisses à la solde de la Ligue,
lesquels, immouvables et impassibles, formés en ordre de combat, les piques
basses, se trouvaient confrontés par nos Suisses à nous, les arquebuses en
joue, mèche allumée, mais ni les uns chargeant, ni les autres tirant, ne se
voulant inutilement entremassacrer, étant fils de même nation, et la bataille,
de toute guise, se trouvant perdue pour la Ligue, sa cavalerie ayant été
taillée par nous en ses croupières. Raison pour quoi les uns et les autres
attendaient un accommodement qui se fit de reste, une heure plus tard, sans
larme ni sang, sur l’avis du maréchal d’Aumont, vrai vieux soldat qui
connaissait la valeur de ces bons Suisses, quelque camp où ils combattissent.
Mais tandis
que nos Suisses et les leurs demeuraient de part et d’autre comme
d’inébranlables rocs, le champ de bataille à leur alentour était fort mouvant,
se trouvant parcouru par des groupes de cavaliers, égaillés qui-cy qui-là, les
uns fuyant, les autres poursuivant, en une telle confusion et entremêlement que
le diable n’y eût pas reconnu ses petits.
Une de ces
troupes, qui était de notre bord, nous apercevant et en particulier, les
casaques de nos prisonniers, lesquelles étaient de velours ras noir avec des
croix de Lorraine d’argent – plaise au lecteur que j’explique ici que si
la cornette de Mayenne que j’avais en main
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