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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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heureux d’égorger les gentilshommes qui avaient
gâté leurs champs.
    Ôtant mon
casque qui me dolait fort sur le sommet de mon chef, je palpai mon crâne
précautionneusement du bout de mes doigts, et sentis des caillots entre mes
cheveux, et sur ma face une longue craquelure de sang séché. J’entendis par là
qu’un grand coup de braquemart, assené par-derrière, avait été la cause, et de
ma chute, et de ma pâmoison, et que je n’étais pas autrement navré, quoique
dolent en tout le corps du fait d’avoir, en vidant les étriers, heurté durement
les dures mottes du labour.
    Mon premier
pensement étant de chercher une arme, je jetai les yeux autour de moi,
lesquels, de troubles qu’ils étaient de prime, avaient recouvré leur coutumière
vue. Tant est que je pris conscience d’être environné d’un monceau de chevaux
morts ou mourants, et de cavaliers qui ne valaient pas mieux, desquels le sang
engraissait le labour impiteux qui, certes, vivrait encore et porterait son blé
dans les siècles des siècles, quand le souvenir même de cette encharnée
bataille serait à jamais effacé.
    Le soleil
était haut déjà et les chevaux morts commençaient à puer de cette odeur tout à
la fois fade, douceâtre et suffocante qui leur est particulière. À la parfin,
je trouvai une pique, échappée de la main d’un Wallon qui agonisait, la gambe
prise sous sa monture, et ayant dans le poitrail un trou rouge, grand comme un
écu, d’où, à chaque fois qu’il respirait, jaillissait un petit jet de sang. Je
ne pouvais rien, hélas, pour ce malheureux qui, appelé par l’Espagne de ses
Pays-Bas pour mourir en France, au nom d’une cause où il n’entendait miette,
était là. Il me vit prendre sa pique et crut, à la casaque dont j’étais revêtu,
que je l’allais achever et ferma les yeux avec un tremblement convulsif des
lèvres qui me serra le cœur. Je n’avais même pas d’eau à lui bailler, ayant
perdu ma gourde, ni même de mot à lui dire, n’entendant pas sa parladure, ni
lui la mienne.
    Me sentant
plus remparé, la pique wallonne à la main, quoique trébuchant encore quelque
peu, en mes pas et démarches, de la chute que j’avais faite, je me dégageai du
monceau d’hommes et de chevaux que j’ai dit, la puanteur étant insufférable, et
avisant à deux cents toises devant moi, se dressant seul dans le champ, un
grand poirier dont les branches étaient fort basses et fort étendues, je
marchai à lui dans l’espoir insensé (qui montrait bien que je n’avais pas
encore retrouvé mes esprits) d’étancher soif et faim en mangeant de son fruit,
alors même que nous n’étions qu’en mars.
    Mais quand je
fus à cent toises environ dudit arbre, traînant la pique derrière moi, tant je
la trouvais lourde, je vis un spectacle qui me cloua au sol.
    Un cavalier
sans monture de l’armée royale (comme je le vis à sa vêture, sa face étant
ensanglantée) s’ensauvait en boitant et sans arme aucune, devant un cavalier
portant la casaque noire brodée de croix de Lorraine des guisards, lequel à
cheval, et l’estoc à la main, poursuivait le premier en huchant à gueule
déployée qu’il allait abattre et achever ce suppôt d’hérésie ! À
quoi le pauvre gentilhomme royaliste, se trouvant sans arme et si mal en point,
n’eut pas d’autre réponse que de gagner clopin-clopinant le poirier que j’ai
dit et de se mettre à l’abri en se glissant derrière ses branches basses,
lesquelles, tombaient jusqu’à terre. Voyant quoi, l’assaillant se mit à tourner
autour de l’arbre, donnant de grands coups de pointe fort inutiles à travers
les branches, ce qui m’étonna fort, car il eût atteint sa cible plus sûrement
s’il avait sauté au bas de son cheval. Je me hâtai donc avec toute la célérité
dont mes pauvres gambes étaient encore capables vers cet encharné guisard, lui
huchant, pour détourner son attention, que je l’allais tout de gob mettre en
broche. Quoi oyant, et cessant de circuire le poirier comme fol, le guillaume
galopa à mon encontre, l’estoc brandi, mais comme je me campais sur mes gambes,
mettais la pique basse et l’attendais d’un air résolu, à quelques pas de moi
tout soudain, le guillaume se déroba, tourna bride et s’ensauva, ayant, à ce
que je pus voir, une fort méchante navrure à la cuisse, dont le sang coulait
prou. Raison pour quoi, je gage, il n’avait voulu de son cheval démonter pour
occire sa proie, de peur de ne se

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