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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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portait des croix de Lorraine
noires, cette couleur, inhabituelle aux Lorrains, voulait commémorer le deuil
du duc de Guise et de son frère occis à Blois sur l’ordre de mon maître –,
cette troupe, dis-je, nous apercevant, vint à nous, toute friande et
frétillante du riche butin qui allait quasiment lui tomber dans le bec. Car il
ne faut pas que le lecteur s’y trompe le moindrement : si la fidélité au roi
(ou à la Ligue) est l’âme de cette guerre, son corps est la picorée que l’on
fait sur l’ennemi, tant est que comme l’avait remarqué de longtemps le Gascon
Cabusse, que c’est là – si l’on survit aux navrures et blessures – la
façon la plus sûre sinon la plus pure, de s’étoffer en pécunes en ce bas monde.
    Voyant cette
troupe à nous s’avancer, M. de Rosny, de moi suivi, alla à leur devant et leur
chef qui était le comte de Thorigny, bridant son cheval, dit à sa vue d’un ton
étonné :
    — Monsieur,
qui êtes-vous ?
    — Rosny.
    — Rosny !
dit Thorigny. Vertudieu ! N’était votre voix, je ne vous eusse pas
reconnu, tant votre face est tantouillée de poussière et de sang ! Mais
qui est donc celui-là qui porte la cornette de Mayenne ?
    — Siorac,
Monsieur, dis-je.
    — Ha,
Siorac ! dit une voix, c’est vous ! Vous voilà. Vertudieu, tout
pimploché de rouge !
    Et me tournant
vers qui parlait ainsi, je vis Larchant, le capitaine des gardes du feu roi,
fidèle à Sa Majesté entre tous les fidèles, et que bien je connaissais pour
avoir joué le rôle que l’on sait (et que j’ai dit tout au long) en ce jour où
Guise fut à Blois exécuté. Cependant, Thorigny, ayant aperçu à notre queue M.
de Châtaigneraie, lequel était un fort beau jeune homme aux yeux bleu azur,
dit :
    — Plaise
à vous, Monsieur de Rosny, de bien vouloir me remettre ès mains M. de
Châtaigneraie que je vois là et qui est mon cousin. Car vous êtes si fort
blessé que je doute que vous puissiez le défendre contre les particuliers
ennemis qu’il pourrait avoir sur le champ de bataille.
    — C’est
que M. de Châtaigneraie est mon prisonnier et à moi s’est rendu, dit roidement
Rosny, lequel n’accueillait pas sans déplaisir le pensement de perdre une de
ses rançons.
    — Ha !
Monsieur ! dit Thorigny, point ne présume de vous enlever votre prisonnier !
Je m’oblige, de parole, devant les gentilshommes que voici, à vous le remettre
ès poings dès que vous serez vous-même en sûreté.
    — En ce
cas, Monsieur, j’acquiesce à votre requête, dit Rosny.
    Et le pauvre
Châtaigneraie, passant dans la suite du comte de Thorigny, poursuivit un chemin
inverse du nôtre, y encontrant la mort, trois gardes du feu roi l’ayant peu
après reconnu et le mettant en joue :
    — Ha
Mordieu ! cria l’un d’eux. Traître à ton roi ! Tu t’es réjoui de sa
mort ! Tu as porté l’écharpe verte !
    Cette écharpe
verte – vert étant la couleur des fous – avait été inventée, et aux
ligueux distribuée, par M me de Montpensier, afin qu’ils portassent
par dérision le deuil de mon pauvre bien-aimé maître, l’idée étant qu’il
fallait être fol pour pleurer la mort du tyran.
    Le comte de
Thorigny n’eut pas le temps de lever, fût-ce le petit doigt, pour protéger son
cousin. Châtaigneraie fut versé de son cheval à terre par trois coups de feu en
même temps tirés, d’après ce qu’on me dit, et expira avant même d’avoir touché
le sol.
    — Le pis
de la chose, me dit M. de Thorigny, en me contant l’affaire un mois plus tard,
les larmes lui coulant des yeux, c’est que le pauvre Châtaigneraie n’était
point du tout un encharné ligueux. Il n’avait porté l’écharpe verte qu’un seul
jour et encore, pour complaire à la cousine de la Montpensier dont il était
fort raffolé.
    — Jeanne
de La Vasselière ?
    — Comment,
Siorac, vous la connaissez ?
    — Je la
connais.
    — Et la
tenez-vous à grand compte ?
    — Grandissime.
Comme on connaît ses diables, on les honore.
     
     
    Mais, laissons
là cette belle diablesse qui n’était redevable qu’à son ample cotillon qu’on ne
vît pas son pied fourchu, et laissons-la, dis-je, d’autant plus aisément que
nous sommes pour la retrouver en le cours de ces Mémoires, comme si la fortune (comme disait Montaigne, quand il ne voulait pas rendre la providence responsable des événements ambigueux de notre vie) avait décidé que nos
chemins, de temps à autre, se

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