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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sermons où ils
lui assuraient que dans peu Paris serait secourue par Mayenne et par les
Espagnols du duc de Parme, dont l’imminente advenue était annoncée tous les
jours par eux depuis deux mois, affirmant, en outre, aux fidèles que si par
aventure, ils venaient à mourir avant la très certaine délivrance de la ville,
ayant quitté la ville pour la cause de la sainte religion, leurs âmes seraient
incontinent portées par les anges auprès du maître du ciel. Oyant quoi, leurs
ouailles s’en retournaient chez elles, saoulées de ces promesses et contentes,
tant elles avaient appétit à gagner ce beau paradis qui ne se pouvait atteindre
autrement qu’en se laissant mourir de faim, ayant été bien exhortées à tous
leurs devoirs par leurs bons bergers, sauf toutefois au jeûne, qu’il n’était
pas utile de leur recommander. Quant à ces bénins et honnêtes curés de Paris
qui n’étaient point ligueux, et avaient eu la rare vaillance de refuser, et les
billets de la Montpensier, et les écus qui les accompagnaient il m’est arrivé,
après avoir été tympanisé par les harangues du sanguinaire Boucher, et autres
prêtreux de même farine, d’aller me rafraîchir l’âme en oyant les prêches de
ces ministres vertueux qui ne parlaient que de paix, de bonne volonté et
d’amour. Je suis bien marri, lecteur, de ne point me ramentevoir leurs noms,
mais du moins me souviens-je des églises parisiennes où ils prêchaient :
Saint-Séverin, Saint-Sulpice et Saint-Eustache.
    C’est peu
après le vœu solennel fait par Boucher à Notre-Dame de Lorette que, cheminant
par les rues, je commençai à voir qui-cy qui-là en divers quartiers de Paris,
étendus sur le pavé, les cadavres de gens morts de faim, tant riches que
pauvres. Ils furent peu de prime, mais crûrent prou en nombre comme les jours
passaient, la puanteur devenant si forte que La Chapelle-Marteau, comme en
temps de peste, recruta des fossoyeurs pour les ramasser et les aller jeter en
la fosse commune, quand leurs familles ne les réclamaient pas. Mais souvent, hélas,
leurs familles mêmes étaient mortes ou mourantes. Et encore que la faim fût
l’originelle et principale cause de ces décès, d’aucuns étaient provoqués par
les nourritures immondes que ces malheureux avaient glouties, et d’autres par
les intempéries à qui leur grande faiblesse avait permis l’entrant en leur
corps.
    Parmi les
funestes vivres que je viens de dire, le pain des morts ou, comme disaient les
Parisiens, le pain à la Montpensier, du nom de celle qui l’avait recommandé,
venait premier. Mais il y en avait d’autres. Et bien je me ramentois qu’à la
mi-juillet, me rendant au palais pour y encontrer Franz sous la grande horloge,
je vis un vieux gautier assis sur une borne devant sa porte cochère et pilant
une ardoise dans un mortier. Et m’arrêtant alors pour quérir la raison de cette
étrange opération, il me dit d’une voix très ténue que, l’ardoise étant réduite
en poudre, il la délayait avec de l’eau et la mangeait. Je lui demandai s’il
avait essayé l’oing de chandelle.
    — Ha !
Monsieur mon maître, dit-il, vramy, j’ai tout essayé, y compris les orties qui,
bien cuites, ont le goût de l’épinard. Mais on n’en trouve plus une seule en
aucun, champ, jardin, ou jardinet qui s’encontre en la capitale. Et quant aux
chandelles, on en a tant mangé qu’elles se font fort rares et qu’on vous en
demande, de présent, quatre écus les dix.
    — Bon
homme, dis-je alors, qu’en est-il de cette farine d’ardoise que tu piles ?
Ne douloit-elle pas ton estomac ?
    — Excessivement,
Monsieur, mais je préfère ce pâtiment à celui d’un estomac vide.
    Je lui baillai
alors un quignon que j’avais dans mes chausses, mais en me cachant et l’œil sur
les alentours, craignant d’être assailli par les passants et plus encore par
les passantes, tant de Parisiennes étant tournées ribaudes par famine et
offrant leur devant pour un morceau de pain.
    Il y avait
bien dix jours que Franz ne m’avait rien rapporté qui valut, mais le midi que
je vis le guillaume piler l’ardoise en son mortier, j’aperçus à son œil, avant
même que de l’aborder, sous la grande horloge, qu’il était content d’avoir
matière à jaser sur  la Boiteuse pour me repayer des quelques vivres que je
lui baillais quotidiennement, pour lui et sa liebchen.
    — Ha !
Monsieur ! dit-il à voix basse, dès qu’il eut empoché mon présent

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