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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gens.
    — Monsieur,
pour le pain, vous rognez cependant sur la vôtre, tout comme eux, pour me faire
la mienne.
    — C’est
que je suis félice de t’avoir céans, Héloïse, opinant que les trois choses les
plus tristes du monde sont un foyer sans feu, une table sans pain et un logis
sans femme.
    — Couche
sans femme, dit-elle, n’est pas tant gaie non plus. Et je sais bien, moi, à qui
et à quoi vous avez appétit, tant votre œil est déshabillant.
    — Mamie,
c’est vrai. Mais je ne veux pas mettre dans le cas d’être jaleux de mes gens,
ni eux de moi. Mamie, ensauve-toi, ou tu vas ajouter à mes soucis au lieu de
les assouager.
    — Monsieur,
dit-elle en ondulant de la tête à l’orteil, sans mentir, me trouvez-vous de ma
charnure accorte, maintenant que je mange à ma faim ?
    — La
peste soit de ton caquet ! Ensauve-toi sans tant languir !
    — Monsieur,
votre œil contredit votre bec. Et à peine aurai-je passé l’huis que vous vous
en mordrez les doigts.
    — Assurément !
Mais passe-le quand même et me laisse ! Et la grand merci à toi pour ta
gentille pensée.
    À quoi elle
obéit, à la fois dépite assez de mon refus et toutefois fort contente du regret
évident que son département me laissait. Au demeurant, outre que je ne voulais
boire qu’en mon propre gobelet, j’avais fort à penser. Et ne pouvais qu’y
penser seul sans me ventrouiller en délices, la nuit ne portant conseil qu’à
celui qui se porte conseil à lui-même, après un long et désommeillé débat. Or,
il ne m’échappait pas que si même la Montpensier avait perdu à ce point espoir
en les secours espagnols qu’elle songeait à manger son chien, je me mettais en
son pouvoir, m’en allant fourrer en son antre ; la dame, à jeter seulement
l’œil sur moi et sans réfléchir plus outre, me pouvant dépêcher, vraie furie
qu’elle était, et ne faisant pas plus de cas de la vie d’un homme que de celle
d’un poulet. Ayant tourné la nuit durant dans ma bourdonnante tête les épines
de mon projet, j’allai le lendemain à midi encontrer Franz sous la grande
horloge du palais, et quis de lui si M me de Nemours allait à jours
fixes visiter sa fille en son hôtel.
    — Oui-da,
Monsieur mon maître, dit-il, la reine-mère est aussi réglée en ses us que
l’horloge que nous voyons céans. Elle se rend chez ma maîtresse les mardis et
vendredis, de deux heures de l’après-midi à quatre heures. Le vendredi, elle
est accompagnée de son fils, M. de Nemours, lequel toutefois ne reste que
quelques minutes, ne rendant ses devoirs que du bout du bec à sa demi-sœur,
ayant peu d’amour pour elle, et elle non plus pour lui, qui a le tort de n’être
Guise, ni par son père ni par sa mère. Comme bien vous savez, pour ma
maîtresse, le seul prétendant qui vaille, c’est Mayenne.
    — Bien le
sais-je, dis-je. Et cuides-tu, Franz, que si je quiers l’entrant vendredi à
trois heures, demandant un entretien à ta maîtresse, et à la reine-mère,
touchant leur envitaillement, elles me recevront ?
    — Il se
pourrait bien, Monsieur.
    — Et
Franz, crois-tu que M me de Guise ait quelque influence sur les
princesses ?
    — Monsieur,
dit Franz sentencieusement, une dame, si haute soit-elle, n’a de poids que par
le frère, le fils ou le mari qu’elle sait envelopper de ses cajoleries. Guise
occis, M me de Guise ne pèse rien.
    — Et
Jeanne de La Vasselière ?
    — Elle
pesait prou dans les conseils de ma maîtresse, laquelle toutefois, lui montre
de présent la froidureuse épaule.
    — Pourquoi
cela ?
    — Ma
maîtresse est sur le chemin de perdre ses rondeurs, tandis que M me de La Vasselière a gardé les siennes.
    — Ce qui
veut dire ?
    — Que ma
maîtresse la suspicionne d’avoir des vivres qu’elle ne partage point.
    — Ha !
dis-je, je n’aime pas cela ! Quelle raison La Vasselière aurait-elle
d’épargner ma vie, si elle mange à sa faim ?
    — Voire
mais ! dit Franz, pour vous vouloir mal, il faudrait de prime qu’elle
sache qui vous êtes, maugré votre déguisure.
    — Elle
l’a jà percée, Franz, le jour des barricades.
    — Ha !
dit Franz avec un soupir, elle n’est point fille de Belzébuth pour rien !
Monsieur, poursuivit-il après s’être un petit accoisé, je serais bien marri de
vous voir renoncer à cause d’elle à votre propos d’envitailler ma maîtresse. Je
suis à son petit chien très affectionné.
    Cette naïve
remarque m’ébaudit fort,

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