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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les murs sa femme (qui était grosse), sa sœur et son fils Mathieu,
c’est qu’il y trouvait, se peut, une commodité autre que vivrière. En outre,
voyant à ma montre qu’on était proche de midi, je me désenlaçai des vrilles de
cette enveloppante vigne, et partis à grands pas vers le palais où sous la
grande horloge Franz m’attendait, à qui je remis tout de gob, enveloppé dans un
linge, un morceau de lard salé.
    — Ha !
Monsieur, la grand merci à vous pour moi et ma liebchen, dit-il avec
confusion, enfouissant le paquet en ses chausses, et d’autant, poursuivit-il,
de son ton scrupuleux, que j’ai peu à vous répéter, hormis une conversation que
ma liebchen a ouïe dans le cabinet de sa maîtresse entre elle et la
reine-mère (vous voyez qui je veux dire) ces deux hautes dames débattant d’une
proposition que M. de Mendoza avait faite la veille en une assemblée chez M.
Courtin, conseiller à la Cour, à savoir que pour donner ordre à la famine
grandissante, il fallait conseiller aux plus pauvres de déterrer les morts du
cimetière des Innocents, moudre leurs os en farine, et ayant délayé cette
farine avec de l’eau, en faire du pain.
    — Franz,
ta liebchen a-t-elle vraiment ouï cela ?
    — Assurément,
dit Franz avec chaleur, ma liebchen ne saurait mentir.
    — Mais,
Franz, c’est une abomination !
    — Monsieur,
c’est ce qu’opina aussitôt la reine-mère, proclamant bien haut qu’elle
préférerait mourir de verte faim plutôt que d’y toucher.
« Mêmement », dit ma maîtresse, ajoutant cependant qu’elle donnerait
ordre à ses prédicateurs de recommander en son nom ce pain des morts à leurs
ouailles : qu’ainsi le peuple, ayant l’estomac rempli, se tiendra plus
quiet et ne criera plus à la paix. « Mais ils en mourront », dit la
reine-mère. « Ainsi en seront-ils plus tranquilles », dit ma
maîtresse.
    — Et que
dit la reine-mère ?
    — Rien.
Mais faisant la moue, et haussant le sourcil, elle s’accoisa et peu après
départit.
    — Franz,
dis-je d’un ton pressant, si ce pain-là apparaît jamais en le logis de ta
maîtresse, n’y touche point, fût-ce du bout de la langue, et ta liebchen non plus.
    — Monsieur,
est-il donc vrai qu’on en meurt ?
    — Infailliblement.
Et dis-le en tes alentours, sans me nommer.
     
     
    Je conservai,
cependant, quelques doutes sur ce qu’avait ouï ou cru ouïr la liebchen de Franz, tant la chose me paraissait immonde et nauséeuse, mais elle me fut
confirmée dès le lendemain par L’Étoile (qu’enfin j’encontrai au logis) et qui
me dit la tenir de ce même Courtin chez qui Mendoza avait donné la recette du
pain des morts, d’aucuns sujets de Philippe II s’en étant, me dit
L’Étoile, nourris lors d’une de ces effroyables famines dont l’Espagne, maugré
tout l’or des Amériques, se trouvait souvent travaillée : Preuve que cet
or ne retombait pas en pluie miséricordieuse sur le populaire.
    — Le bon
de la chose, dit L’Étoile, c’est qu’avec ledit pain, on meurt plus promptement
que de faim. Toutefois, l’archevêque de Lyon, se réfléchissant sans doute que
s’il n’y avait plus de Parisiens, on ne pourrait plus défendre Paris, et
partant la Sainte Ligue, imagina un autre remède, et convoqua une assemblée des
curés, des marguilliers de paroisses et des supérieurs de couvents.
    — Vous y
fûtes, je gage.
    — En
catimini, dit L’Étoile, son œil gris fort pétillant, n’y ayant de reste aucun
droit.
    — Et vous
trouvâtes les curés fort gras ?
    — Point
autant que les moines, d’aucuns même étant maigres assez, mais point du tout
aussi maigres que les marguilliers. Tant est que je ne fus pas étonné que l’un
des marguilliers, parlant au nom de tous, proposât que ceux d’entre les
ecclésiastiques qui avaient des vivres au-delà du nécessaire les vendissent à
ceux qui n’avaient que des pécunes, et en outre, nourrissent les pauvres quinze
jours gratis pro Deo.
    — Ce gratis dut les graffigner prou !
    — Ha !
Mon Pierre ! Si ce marguillier avait marché sur un nœud de vipères, il
n’eût pas produit plus d’effet. Mais Nemours, qui présidait l’assemblée de nos
saints hommes, trouva la proposition louable, et ordonna, pour rechercher
vivres, une visite de toutes les maisons ecclésiastiques.
    — Ha !
L’imprudent béjaune ! dis-je. D’ores en avant, on ne priera plus beaucoup
pour lui dans les couvents ! Je gage toutefois

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