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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et conjoindre, tout ce que la ville
comptait de bonnes et honnêtes gens – à l’exception des ligueux –
accourut, déborda débonnairement les Suisses de Vignelles au Pont Saint-Anne,
et se rua partout sur le parcours des souverains, et jusque sur les arbres centenaires
du parc qui se mirent à porter quasiment autant de badauds qu’ils avaient de
feuilles en cette fin d’avril. Ce concours de peuple qui, outre les noblesses
des deux bords, était non moins avide de voir de près et d’ouïr les deux
princes en leur historique entrevue, fut tel et si grand, et si prodigieux, que
les deux rois apparaissant. enfin, chacun au bout d’une allée (dont les chênes
portaient les grappes que j’ai dites) ils furent un long quart d’heure à se
tendre les bras, sans se pouvoir encontrer et sans que les archers parvinssent
à fendre l’inouïe cohue où grouillaient tant les manants de Tours que les
gentilshommes et les archers, lesquels n’avaient même pas de place assez pour
mettre les hallebardes à l’horizontale et repousser la marée sans cesse
croissante des curieux.
    Enfin, le
maréchal d’Aumont donna de la voix, et ce que les hallebardes n’avaient pu
faire, sa voix stentorienne le fit, tant est grande l’autorité d’une voix forte
sur la moutonnière multitude. La presse se fendit alors miraculeusement, comme
les flots de la mer se retirèrent pour laisser passer Moïse, et dans cette
sorte d’étroit canal, les deux rois furent œil à œil et face à face, l’air
grave tout ensemble et souriant, Navarre se mettant à genoux alors, et le roi
incontinent le relevant, l’embrassant et l’appelant « mon frère ».
    De ce que dit
à cet instant Navarre, que pour ma part je ne pus ouïr, courent deux versions,
l’une longue et fleurie, l’autre brève. Pour l’une, Navarre assura le roi qu’il
regardait ce jour comme le plus heureux de sa vie, puisque Dieu lui avait fait
la faveur de voir la face de son maître et de le pouvoir assurer de sa
soumission et de ses services, et qu’il mourrait désormais content, puisqu’il
avait trouvé grâce aux yeux de son roi. Pour la seconde, Navarre aurait
dit : « Je peux maintenant mourir content : j’ai vu mon
roi. »
     
     
    Lecteur, je ne
sais laquelle de ces deux versions te contentera davantage, mais pour moi, je
préfère la seconde, comme davantage accordée à la parladure du Béarnais qui préféra
toujours le mot au discours. En quoi il différait prou de mon maître bien-aimé,
comme de lui déjà il différait par la corporelle enveloppe et la vêture, ce
dont tous furent frappés alors, les voyant ensemble, et côte à côte, pour la
première fois depuis treize ans. Le roi portait sur le chef son coutumier
coffion décoré d’une aigrette, les cheveux qu’il laissait passer à dextre et à
senestre disposés en rouleaux ondulés, deux pendentifs, l’un de perle et
l’autre de diamant à chaque oreille, la barbe courte et fort bien coupée
encadrant son fin visage frotté d’onguent, le corps vêtu entièrement de velours
violet, les crevés de son pourpoint emperlé étant de violet plus pâle, les
mains gantées et sur chacun de ces gants deux bagues ; la taille grande, l’allure
majestueuse, le pas lent, le port immobile, la parole abondante et ornée.
    Navarre, lui,
paraissait toujours en branle, même quand il attentait de rester immobile, ses
gambes courtes et musculeuses le jetant sans cesse d’un pied sur l’autre, l’œil
vif, épiant, gaussant, porté de tous les côtés à la fois, la face brunie,
tannée, craquelée par sa vie de soldat, la parole toute en saillies, le
pourpoint (le même que je lui avais vu dans son camp à Châtellerault) usé aux
épaules et aux coudes par la cuirasse, et étant grisâtre, plus gris encore de
la poussière du chemin (qu’il n’avait songé à faire brosser), en outre mangé
aux aisselles par la sueur, les chausses de velours feuille morte, et
là-dessus – seule recherche de cette attifure – un grand manteau
écarlate, et sur le chef un chapeau gris à large bord, surmonté d’un panache
blanc, ou plutôt gris-blanc, pour la poussière que j’ai dite.
    Les plus
proches ouïrent ce qui se dit alors, mais il suffit qu’on vît s’embrasser le
roi et Navarre pour que tout soudain éclatât dans cet immense peuple la liesse
la plus folle dont je fus jamais témoin, avec des rires, des cris, des
acclamations, des « Vive le Roi ! Vive Navarre ! » et

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