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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Quéribus, et pour la même raison.
    — Et les
voilà, dit Giacomi, pleurant toutes trois nos absences.
    — Vous
vous paonnez, prou, Messieurs, dit Chicot, plors de femna et pleja d’estiu
fan pas bel riu [4] .
    À quoi les
trois beaux-frères, moi-même compris, contrefeignant d’être piqués,
entreprirent de dauber sur la prétendue impotence de Chicot, légende qu’il
avait lui-même imaginée pour égayer le roi.
    — Au cas
des femmes, Chicot préfère le bilboquet…
    — Le bois
étant roide par nature….
    — Et la
saillie se pouvant répéter…
    — Saillie,
bonnes gens ? La seule goutte qui saille de Chicot, c’est celle qui lui
pend au nez.
    — Chicot,
que sais-tu des pleurs des femmes, toi qui ne les peux mouiller ?
    — Chicot,
parlons sans ambages : au fond et à la forme, que connais-tu des
dames ?
    — Tout,
dit Chicot. J’ai aimé une garce jadis. Je l’ai même un peu mariée, je cuide.
    À quoi on rit,
et d’autant sans méchantise que Chicot, encore qu’il jouât le fol à merveille,
n’était ni petit, ni laid, ni contrefait, mais un gentilhomme gascon, grand
coureur de chambrières et fort vaillant l’épée à la main, comme il le devait
prouver au siège de Rouen, où il laissa la vie.
    — Messieurs !
cria tout soudain, dominant la noise et la vacarme de la cour d’honneur, la
voix stentorienne du maréchal d’Aumont, Messieurs, voici le roi !
    Quoi dit, il
ajouta, un octave plus bas :
    — Et
voici le roi de Navarre.
     
     
    Quand le roi
et Navarre, le conseil terminé, saillirent de Plessis, ils se boutèrent en
selle et Navarre accompagna le roi jusqu’au Pont Saint-Anne que, pour regagner
Tours, le roi franchit, ainsi que toute sa noblesse, laquelle je me préparais à
suivre, quand mon père, accouru, me vint dire d’un air fort content que le
Béarnais me voulait retenir encore quelques jours et que je devais donc, au
lieu de suivre mon maître, réembarquer avec lui pour repasser la rivière de
Loire. Ce que je fis, assez étonné, quand on eut posé pied sur terre, et
retrouvé le gros de l’armée huguenote, de voir Navarre, avec sa noblesse et ses
gardes, remonter la rive droite du fleuve en amont, et gagner Saint-Symphorien,
qui est un faubourg au nord de Tours séparé de la ville par un pont fort long
et fort beau.
    Navarre se
logea en une maison qui faisait face audit pont et me fit dire par Roquelaure
d’avoir à dormir en cette même maison, partageant la couche d’ycelui – ce
qui ne fut pas sans me déconforter, mon compagnon de lit étant si gros et si
ronflant – et d’avoir à me désommeiller à cinq heures du matin. J’avais
acheté à Blois – ville fameuse pour son habile façonnement – un
réveille-matin, et mon Miroul l’ayant tiré de mes bagues, je le mis à l’heure,
mais comme Du Halde, au château de Blois, la veille de l’exécution du Guise, je
ne pus lui accorder de fiance assez pour dormir tout mon saoul et me relevai,
plus las qu’à mon coucher, l’œil embouffi, la bouche collée et l’humeur
mal’engroin.
    En cette
rechignante disposition, les gambes et le cul au surplus fort dolents de ma
longue chevauchée de la veille, mon Miroul, qui combien que je l’eusse fait mon
secrétaire, se voulait encore mon valet, achevait de m’habiller, quand on toqua
à l’huis – ce qui ne réveilla pas Roquelaure qui ronflait comme soufflet
de forge. Et mon Miroul désemparant la porte, apparut ce même page-libellule en
livrée rouge et jaune qui m’avait, à Châtellerault conduit à la tente de mon
père. Navarre, je gage, devait l’aimer pour son aérienne promptitude, car il ne
marchait point : il volait. Et son parler était aussi preste et léger que
son pied.
    Il me bailla,
se décoiffant, une bonnetade en arabesque si rapide autour de son torse fluet
que je crus voir six bonnets au bout de son bras dextre.
    — Monsieur,
dit-il, mon maître vous veut à cheval à l’entrée du Pont de Tours à six heures.
    — Seul ?
    — Seul.
    Ayant dit, il
escampa si vite que je doutai l’avoir vu et ouï.
    — Moussu,
dit aigrement Miroul, son œil marron attristé et son œil bleu froid comme
glace, qu’aviez-vous besoin de quérir de ce moustique si vous deviez y aller
seul ? Si vous n’aviez rien requis, je vous eusse accompagné !
    — Ha !
mon Miroul ! dis-je, prends patience ! Tu n’es pas à’steure à la cour
de France, mais à celle de Navarre, où tout se fait à la soldate,

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