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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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même
« Vivent les rois ! » et une presse qui à chaque minute
grossissait davantage. Tant est que les deux princes qui eussent voulu deviser
en se promenant dans le parc – le soleil de ce trente avril étant fort
brillant – ne pouvant faire un pas, durent rentrer au château pour tenir
conseil, seules pouvant alors passer le pont-levis les noblesses des deux
camps, lesquelles, réunies dans la cour d’honneur, incontinent se mêlèrent.
    Or, parmi ces
gentilshommes dont la plupart, depuis le début de nos guerres civiles,
s’étaient depuis vingt ans âprement combattus, il n’en était aucun qui n’eût
dans l’autre camp un frère, un père, un cousin, un ami, et tous alors se
cherchant, s’appelant, s’encontrant, se saluaient, se prenaient les mains,
s’entrevisageaient œil à œil, détestaient leur passé fratricide, et voulant
oublier qu’ils avaient les uns par les autres tant pâti, se promettaient une
éternelle amour, se ramentevaient à la fin le beau nom de Français qui leur
était commun, et du bon du cœur, vouaient aux gémonies ces haines anciennes,
ces inimitiés partisanes, ces impiteux massacres – tous s’étonnant d’y
avoir consenti, et tous se disant l’un à l’autre : Nous avons assez
fait et souffert de mal ! Nous avons été, ces vingt années passées, ivres,
insensés, furieux ! N’est-ce pas assez ?
    Mon père,
ayant reconnu un capitaine aux côtés de qui il avait combattu trente et un ans
plus tôt pour reprendre Calais aux Anglais – Sansac, je crois, à moins que
ce ne fût Senarpont –, l’appela par son nom, et l’autre se retournant, le
sourcil levé, et à la parfin retrouvant la face de mon père dans les brumes de
sa remembrance, se jeta dans ses bras, le toquant des deux mains aux épaules,
les larmes lui tombant des yeux, grosses comme des pois, et ne sachant que dire
d’une voix entrecoupée :
    — Ha !
Siorac ! Siorac ! Te voilà ! Et dire qu’hier encore à la seule
vue de ton écharpe blanche de huguenot, je t’eusse occis au hasard d’un
combat ! Ha ! mon ami ! Mon ami ! Dieu veut-il vraiment
qu’en son nom les Français naturels s’entre-tuent ?
    — Je ne
le cuide pas, dit Mespech, lui-même fort troublé.
    Pour moi,
étant médecin du roi, et comme on sait aussi, son agent en maintes entreprises
secrètes, huguenot calant la voile à la cour d’Henri III et allant à
contrainte, j’appartenais pour ainsi parler aux deux camps, ayant labouré
en ma très humble place – comme les plus fidèles amis du roi – à la
réconciliation des royalistes et des huguenots de Navarre. Tant est que séparé
des miens non point par vingt années, mais par les quatre mois de mon ambassade
auprès du Béarnais, nos retrouvailles furent toutes de liesse, sans être mêlées
de l’âpre regret du sang. Or, comme si un aimant m’eût attiré à eux et eux à
moi, en cette bigarrée cohue au coude à coude des gentilshommes des deux rois,
et sans qu’eux ou moi nous eussions crié nos noms, tout soudain, en un coin de
la grande cour d’honneur, j’aperçus, le cœur me bondissant, ceux que j’aimais
d’une intime et immutable amour : le maître en fait d’armes Giacomi ;
Quéribus, mon beau muguet de cour ; Du Halde, le valet de chambre du roi,
et Chicot, son bouffon, lesquels assurément me cherchaient aussi.
    Or, comme je
me dirigeais vers eux, l’œil quasi sorti de l’orbite dans mon avidité à les
voir, je me sentis saisir par-derrière au bras par une forte pogne. Et me
retournant, me trouvai bec à bec avec Vignelles, dont la face cuite et carrée
et l’œil bleu naïf étincelaient de bonheur.
    — Ha !
Baron ! Baron ! me dit-il, d’une oreille à l’autre riant, Navarre m’a
gourmandé comme il ne le fit jamais ! Tudieu ! Quelle volée de bois
vert !
    — Et
pourquoi ? dis-je, étonné que le tabustement de son maître le rendît tant
joyeux.
    — Pour ce
que, dit-il, le roi ayant fort sourcillé, à l’entrant du château, à voir mes
Suisses partout déployés, Navarre m’appela et me dit, faisant la grosse
voix :
    — Eh
quoi, Vignelles ! Qu’est-ceci ! Vous croyez-vous en pays conquis que
vous occupez le château du roi ? Ventre Saint-Gris, Vignelles, retirez vos
Suisses incontinent et présentez à votre roi, qui est aussi le mien, vos plus
humbles excusations.
    — Sire,
dis-je alors en mettant un genou à terre devant Henri Troisième, je vous prie
humblement de me

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