Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
deux bonnes minutes, étant de ces grands jaseurs qui
vous somment de vous expliquer en deux mots, et ne vous en laissent ni le temps
ni l’occasion, tant leur langue est parleresse, pressée et frétillarde. Au
reste, beau et grand gaillard de six pieds de haut, la poitrine bombée comme le
dessus d’un coffre, le cheveu dru et noir, l’œil de jais, le nez agréablement
gros, la lèvre épaisse et friande, et la bouche excessivement fendue, tant, je
gage, pour la clabauderie que pour la table. Il était seigneur d’Ermenonville,
mais à l’armée se faisait appeler, chose étrange, le capitaine Sarret, du nom
de sa mère, la comtesse de Sarret, et ayant bien servi, sa vie durant,
Henri IV, il finit vice-amiral, ce qui était un bel et beau titre pour un
gentilhomme qui n’avait jamais mis le pied sur un bateau. Pas plus, de reste,
que l’amiral de Coligny. Raison pour quoi, lecteur, la marine d’Elizabeth, bien
que petite, vaut deux fois la nôtre. Elle est commandée par des marins :
Il n’était que d’y songer.
    — Monsieur
le gouverneur, dis-je, dès que la marée de ses paroles eut amorcé un léger
reflux, je voudrais savoir qui loge en une maison de bonne apparence, montrant
en façade une belle verrière de diverses couleurs, derrière laquelle brille une
bonne douzaine de chandelles.
    — En
quelle rue ? dit M. de Vic en levant un sourcil, et la lèvre gaussante.
    — Cette
rue tout juste qui est parallèle à celle-ci.
    — La rue
Tire-Boudin, la bien-nommée, dit M. de Vic, la gueule fendue d’un large
sourire. Le logis aux douze chandelles appartient à La Raverie.
    — Est-ce
une ribaude ?
    — C’est
trop dire. La Raverie donne à souper, à jouer et à coucher, mais seulement aux
plus grands, aux plus apparents et aux plus étoffés. Elle est belle et ses
chambrières sont accortes.
    — Pourrais-je
me présenter tout de gob à son huis et être reçu ?
    — Oui-da !
Avec un mot de moi et cent écus en votre escarcelle.
    — Ventre
Saint-Antoine ! Cent écus !
    — C’est,
dit M. de Vic en riant, qu’il faut perdre à la table de jeu avant que de gagner
la coite.
    — Monsieur
le gouverneur, complote-t-on contre le roi en ce logis si bien réglé ?
    — Si ne
le crois-je, dis M. de Vic gravement, et je doute que vous me l’appreniez.
    — C’est
donc que vous y avez mouche à votre dévotion.
    — Oui-da,
dit M. de Vic sèchement, sa large gueule se fermant comme une huître.
    Après quoi
nous nous accoisâmes tous deux, œil à œil et le sien point trop bénin, pour ce
qu’il cuidait apparemment que je voulais lui en remontrer sur son métier.
    — Monsieur
le gouverneur, dis-je à la parfin avec un salut, Dieu garde que je veuille vous
donner leçon ! Je désire, bien au rebours, dans mon présent embarras, en
recevoir de vous, si vous condescendez à m’en bailler, étant comme moi si
dévoué à Sa Majesté.
    — Monsieur,
dit-il, fort radouci, mes plus avisés avis sont vôtres, si vous y appétez.
    — J’y
appète fort. Car voici où le bât me blesse : j’ai vu entrer chez La
Raverie un quidam dont je ne sais le nom, mais que je crois être un
archiligueux, et dont je ne sais s’il y complote, ou s’il y coquelique. Que me
conseillez-vous ?
    — Ma
mouche chez La Raverie se nomme La Goulue, dit M. de Vic. Si vous lui glissez à
l’oreille : ad augusta per angusta [32] elle vous bourdonnera à l’oreille tout ce qu’elle sait. Et Monsieur, un autre
conseil. Avant que d’y courir, remisez votre coche en mon écurie et allez-y
discrètement à pied.
    À quoi je
consentis, avec des mercis à l’infini, mais entendant bien que M. de Vic ne
donnait l’hospitalité à mes chevaux que pour être assuré de me revoir et d’ouïr
mon conte, après que j’aurai encontré La Goulue.
    Lecteur, le
huguenot sanglota en mon très peu papiste cœur, quand je perdis stoïquement au
jeu cent beaux et bons écus non rognés, sonnants et trébuchants, avant que
d’être admis dans le saint des saints – ad augusta per angusta  –,
j’entends dans la chambre de La Goulue, La Raverie n’étant nulle part au logis
visible, lequel logis, et laquelle chambre, pour les commodités et l’élégance,
n’avaient rien à envier aux hôtels parisiens des plus hautes dames du royaume.
Tant est que j’eusse pu trouver une consolation à considérer cette bonne usance
de mes écus, s’ils n’avaient laissé derrière eux une tant âpre plaie.
    Je crus

Weitere Kostenlose Bücher