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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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elle ne voulut rien
entendre, arguant que son bon maître jamais n’ouvrait à qui toquait nuitamment
à son huis, tant il était prudent et qu’on ne le pouvait pas non plus réveiller
par des cris, sa chambre ne donnant pas sur la rue, mais sur la cour. Je pris
donc le parti – Tronson et ses compagnons m’ayant quitté après d’infinies
brassées, chacun rentrant en sa chacunière – de bailler à Lisette le gîte
d’une nuit, la confiant comme compagne de lit à Héloïse.
    Celle-ci, à
l’ouvrant, nous voulut avec des cris couvrir de poutounes, tout cuirassés que
nous fussions, s’étant fait, dit-elle, à nous espérer « un sang d’encre à
tourner le lait de dix mille nourrices ». Et moi lui disant d’approprier
et de nourrir Lisette, je les laissai toutes deux dans les délices d’une
jaserie infinie, clabaudant à perdre haleine, l’une ayant tant à dire et
l’autre tant de questions à poser. Pour moi, je m’allai coucher sans tant
languir en ma chambrette (ayant abandonné ma chambre à Doña Clara), me sentant
rompu à ne plus pouvoir branler bras et gambes, mon dos creusant la coite, et
ma tête toute tourneboulée et résonnante de ces horribles événements.
    Je dormis peu
et mal, me désommeillant tout en eau à la pique du jour, ayant eu l’âme rongée
d’un songe qui me faisait cheminer la nuit dans le cimetière des Saints-Innocents,
seul, sans arme, ni cuirasse, et me cachant de tombe en tombe, pour ce que, non
pas six, mais cent lansquenets y faisaient rôtir des garcelettes de place en
place, et moi sans rien y pouvoir faire, oyant les gémissements à me tordre le
cœur saillant des corps sans tête, faisant écho aux hurlades des filles vives
qu’on forçait sur les tombes et aux plaintes étouffées de celles qu’on gardait
dans les sacs. Je doutai, réveillé, que mon réveil même ne fût pas un songe,
pour ce que j’avais l’oreille bourdonnante encore des cris que j’avais ouïs et
pour ce que je gardais encore dans la narine l’abominable odeur de la chair
brûlée. Mais reprenant par degrés, à toucher ma coite, mon oreiller et mon
corps même, le sentiment de la réalité des choses, je tombai dans un grand
pensement sur la brute méchantise de notre espèce, lequel me fit grand mal pour
la raison que je voyais bien que les hommes n’étaient que d’un degré distants
de l’animal, au niveau duquel le besoin les faisait quand et quand
retomber ; et pis encore, que la sainte religion même n’y pouvait rien,
mais bien le rebours, y était connivente pour ce que, pervertie par le zèle des
fanatiques, elle ne voulait voir dans les corps humains, fussent-ils grands et
petits, que « boue et crachat » – matière vile dont « il
n’y avait pas tant à plaindre la façon », comme avait dit la Montpensier.

CHAPITRE X
     
     
    Tronson me
vint dire le lendemain qu’avec ma permission, il n’apporterait pas les
mousquets des lansquenets occis à leur capitaine, pour ce qu’il les voulait
garder pour lui, comme sa juste et légitime part de picorée, s’étant mis au
hasard de sa vie et ayant de reste appétit à garder quelque trophée de notre
grand exploit. Et moi acquiesçant, il m’offrit incontinent de me remettre la
moitié du butin, ce que je noulus, lui disant que j’avais des armes assez et
que sans le renfort de lui-même et de ses compagnons, je n’eusse pu défaire les
lansquenets sans y laisser de plumes. Il s’en fut donc, jubilant, la crête
haute, fort content de moi, plus encore de soi, et chantant son propre los et
en mineur le mien à tous les échos de la rue des Filles-Dieu, tant est que du
jour au lendemain, l’odeur de mes vertus se répandit chez mes voisins et que je
fus par eux quasi autant considéré qu’un Parisien de Paris.
    Le 15 août,
si ma remembrance est bonne, mon Miroul lia connaissance en une auberge, où il
l’avait suivi, d’un nommé Rapin, lequel était valet du chevalier d’Aumale et
avait coutume, son maître étant à ses affaires, de boire là tristement un
gobelet de vin, y trompant deux fois sa faim, celle du ventre, et celle de
l’alberguière, laquelle tenait boutique et commerce de ses appas, qu’elle
vendait aux chalands dix sols, fortune que Rapin ne pouvait rêver de posséder,
ne vivant que de petits larcins, son maître ne lui payant mie ses gages. Mon
Miroul observant que le pauvret, l’œil fiché à’steure sur les tétins de la
ribaude, et à’steure sur sa croupe,

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