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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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que La
Goulue s’allait jeter sur moi, dès que la chambrière eut fermé l’huis sur nous,
étant de ces garces qui ne font qu’une bouchée d’un homme. Mais bridant son
impétuosité naturelle, j’emprisonnai sa tête de mes deux mains et lui glissai à
l’oreille le shibboleth [33] de M. de Vic.
    — En
voilà-t-il pas d’une autre ! dit-elle, morose et rechignante. Pour une
fois que j’ai un vigoureux guillaume à me mettre sous la dent, il ne veut de
moi que paroles ! Et paroles qui lui ont coûté cent écus ! C’est cher
payé !
    Lecteur, ne va
pas croire que La Goulue était une grande et forte femme, excessivement fendue
de gueule comme M. de Vic. Bien au rebours, plus menue qu’elle, quoique
rondelette, on ne vit oncques, mais le corps tout animé et exagité d’une
vivacité inouïe.
    — Je
verrai bien, dis-je, et je m’assis sur un cancan qui était là. Voyant quoi, La
Goulue sauta sur mes genoux, s’y lova comme une chatte et se mit à jouer avec
ma barbe. Mamie, poursuivis-je, verrai-je La Raverie cette nuit ?
    — Ma
grande mouche, dit La Goulue qui parlait comme le feu crépite, tu n’en verras
ni l’oreille ni la queue. Le lundi, La Raverie entre en religion avec M. de
Lundi à la chute du jour, et n’en saille qu’à l’aube, en même temps que lui, et
tous deux fort moulus, ayant coqueliqué, la nuit durant, comme rats en paille.
    — Quoi ?
Pas de répit ? Pas de visite ?
    — Sauf la
mienne pour apporter repue, M. de Lundi, nu en sa natureté, prenant grand soin
alors de me tourner le dos, lequel dos étant jeune et musculeux, me fait bien
augurer de son devant.
    — M. de
Lundi, est-ce son nom ?
    — Si le
décrois-je. Il porte sur l’épaule senestre, gravées indélébilement à l’encre,
les initiales entrelacées R et A, et R étant La Raverie, cet A le doit, en mon
opinion, désigner.
    Ce que j’ouïs
sans battre un cil, tout béant que je fusse que d’Aumale, qui était si bien né,
descendît à de telles pratiques avec une fille d’amour, et mît, en outre, sa
vie en si grand hasard que de la venir mignoter en plein mitan du camp ennemi.
    — Je
gage, dis-je, que La Raverie en veut surtout à ses pécunes.
    — Point
du tout ! dit La Goulue, comme indignée. Elle l’aime de bon cœur, de bon
foie, de bonnes cuisses et de bon ventre.
    — Mamie,
La Raverie est-elle tant belle que son cœur est large ?
    — Ma
mouche, dit La Goulue, l’œil déprisant, ne te hausse pas du col : il te
faudrait être au moins baron pour prétendre à sa coite.
    — Se peut
que je le sois !
    — Se peut
que tu te gausses ! Mais pour sa beauté, sache, ma mouche, que si tu
pilais en un mortier les dix plus belles dames de la Cour, tâchant, avec ces
beautés mises à tas, d’en façonner une seule qui les dépassât toutes, tu
n’atteindrais pas encore à la cheville de ma maîtresse ! Je te le dis tout
dret, ma mouche : La Raverie, c’est un morceau de roi.
    Avec mon
Miroul, fourbu d’avoir dormi en la cuisine les bras sur la table et la tête sur
les bras, je départis dès la pique du jour, mon Miroul étant plus mal’engroin,
maussade et marmiteux que je le vis jamais, toutes les garces en ce logis doré,
fût-ce la plus humble, faisant pécunes de leur devant : Bargouin auquel, à
Dieu ne plaise que mon Miroul consentît jamais, se prisant lui-même tant haut
qu’il se cuidait être une sorte de gracieux présent de la Providence au sexe
féminin.
    À M. de Vic,
je dis ce que j’avais appris sur M. de Lundi du bec déshonté de La Goulue, y
compris les initiales R et A entrelacées sur l’épaule – ce que le
gouverneur ignorait, mais qui lui apporta peu de lumière, ne sachant pas que le
« A » désignait le chevalier d’Aumale : nom que je retins encore dans
l’enclos de mes dents pour les raisons que l’on sait, me demandant même si je
l’allais dire au roi, M. de Vic m’emmenant tout de gob voir Sa Majesté chez M.
de Rosny, en le logis de qui Elle tenait conseil à cette heure matinale.
    Il y avait là,
outre M. de Rosny et le roi, le maréchal de Biron, le vicomte de Turenne et le
brave et courtois La Noue, que d’aucuns, même dans le camp ligueux, appelaient
le « Bayard protestant ». Tous portaient des mines graves et
allongées, à part le roi, qui me parut, comme à son accoutumée, fort enjoué, ou
à tout le moins contrefeignant de l’être. À me voir, il dit :
« Ha ! Barbu ! », mais n’en dit pas plus,

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