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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mangeait son rôt à la fumée (comme on dit
en Périgord), partagea avec lui un croûton qu’il avait en ses chausses, et
faisant semblant d’être ivre, lui prêta un écu qu’il contrefeignit ensuite
d’avoir tout à plein oublié lui avoir jamais prêté. Ce qui rendit le bon Rapin,
une fois qu’il fut satisfait des deux bouts, si affectionné à Miroul et si
grand jaseur en ses coupes et boissons qu’il lui conta par le menu sa vie et
lui fit, baissant la voix, ses plaintes sur « celui que vous savez »,
personnage dont il n’osait prononcer ni le nom ni le titre, si grande était la
terreur où il vivait de lui. Mais l’oreille étant fort attentive en laquelle il
déversait ses récriminations, Rapin en vint à dire que le pis de la chose était
de se rendre en Saint-Denis tous les lundis, entre chien et loup, et là de
demeurer en une certaine rue garder les chevaux la nuit durant, ne revoyant son
maître qu’à potron-minet.
    — Et dans
quel état ? dit Miroul.
    — Vramy !
dit Rapin avec un rot, dans l’état tout juste que me voilà : la tripe à
l’aise et l’estomac chantant.
    — Quoi ?
Gaillarde-t-il en cette maison ?
    — Comme
fol, j’en suis bien assuré ! Et durant qu’il se ventrouille en délices,
moi, pauvre chrétien, je conte fleurette dans la rue à mes chevaux.
    — Dans la
rue ? Dites-vous bien dans la rue ? Cette maison n’a donc pas
d’écurie ?
    — Si
crois-je qu’elle en est bien garnie, vu qu’une chambrière en saille à chaque
fois pour bailler botte de foin à nos bidets.
    — Te
parle-t-elle ?
    — Pas un
mot et pas un croûton non plus. Les chevaux sont mieux traités que moi. Je
serais turc ou barbaresque, je ne serais pas plus déprisé.
    — Ton
maître est-il seul à visiter ce logis ?
    — Que
nenni ! J’ai vu deux ou trois guillaumes y entrer après lui à pied et très
bouchés dans leur manteau, encore qu’il fît une chaleur à crever.
    — Mon
Miroul, dis-je quand il m’eut conté tout ceci, cela sent le bordeau, ou
l’intrigue. L’un ou l’autre ou, se peut, l’un et l’autre. Il faut y aller voir.
    Nous y fûmes
le lundi 20 août à la tombée du jour, sans encombre ni traverse aucune,
mes deux passeports n’étant pas soupçonnables, et nous étant mis à Saint-Denis
sur la queue du chevalier d’Aumale, moi dans la coche et Miroul sur le siège
(le chapeau très rabattu sur l’œil pour n’être pas, même au crépuscule, reconnu
de Rapin), nous vîmes le chevalier entrer dans une maison de bonne apparence,
avec une belle verrière en petits carreaux de diverses couleurs derrière
laquelle brillait une bonne douzaine de chandelles.
    — Bride,
Miroul, dis-je, dès que nous eûmes tourné le coin de la rue.
    — Ventre
Saint-Antoine, Moussu ! dit Miroul, en descendant de son siège et en se
venant accoter à la fenêtre de ma coche, on ne plaint pas la dépense dans cette
maison ! Vous ramentez-vous comment votre oncle Sauveterre picaniait
Monsieur votre père de ce que Dame Gertrude du Luc, à Mespech, usait deux ou
trois chandelles pour son pimplochement ? Vous en avez là tout un bouquet,
brûlant pécunes à la fenêtre. Moussu, où allons-nous de présent ?
    — Chez M.
de Vic.
    — Quoi ?
Connaît-il votre nom véritable ?
    — Nenni.
Mais il sait que je sers le roi. Et le doit savoir, étant gouverneur de
Saint-Denis.
    — Moussu,
allez-vous dire à M. de Vic sur la queue de qui nous sommes ?
    — Nenni.
    — Moussu,
vous êtes profond.
    — Et avec
toi plus que patient.
    — Moussu,
vous devez bien avouer que je suis de bon conseil.
    — C’est
bien pourquoi je t’ois. Départons sans tant languir.
    — Moussu,
dit-il, avec un petit rire, si le chevalier est entré dans la maison aux
chandelles pour user de la sienne, nous avons la nuit devant nous.
    — Et si
nous délayons plus outre, nous trouverons M. de Vic au lit.
    Il n’y était
point, mais allait s’y mettre, étant jà en chemise, mais voulut bien pourtant
nous recevoir, dès que son valet lui vint dire que le maître drapier Coulondre
avait mot à lui dire.
    — Maître
drapier, dit-il en venant à moi, la mine ouverte et enjouée, avez-vous affaire
à moi ? Allons, point de cérémonie ! poursuivit-il tandis que je lui
faisais un profond salut, mettez dret le mousquet à l’épaule et tirez ! De
quoi s’agit-il ? Je sais que vous servez le roi et le servez fort bien…
    Et il continua
dans cette veine pendant

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