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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cessé, et le nœud de sa gorge s’étant dénoué, il dit
d’une voix de prime faible assez, mais qui peu à peu s’affermit :
    — Ha !
Messieurs ! Que de grâces je vous dois ! Et de prime à Monsieur le
baron de Mespech, sans la bénignité de qui j’eusse pu finir mes jours mon col
dans un nœud coulant, une tranche de son jambon au bec. Ensuite, au baron de Siorac,
auquel je n’ai fait, en lui sauvant la vie, que rendre tout ce qu’il m’avait
donné, pour ce que je lui dois tout, ces années écoulées : pain, toit,
vêture, cheval, voyage et le gai savoir qu’il m’a imparti : gratum
hominem semper beneficium delectat [46] .
Adonc, j’accepte du bon du cœur et en toute affection et reconnaissance le prêt
de quinze mille écus, par quoi l’un et l’autre ont voulu faire la différence
avec la somme qui m’est demandée pour la Seigneurie de La Surie (sur ces
derniers mots, sa bouche friande se rondit comme s’il mâchellait le plus
délectable des fruits) mais que M. de Quéribus, M. Samson de Siorac et le
révérend docteur Fogacer ne me gardent point mauvaise dent de ne point tirer
bénéfice de leur émerveillable libéralité. Je me trouve, poursuivit-il, non
sans un certain air de pompe, avoir quelque bien, mon maître ayant laissé, à ma
seule usance, la picorée qu’il aurait pu, pour ce que je servais sous lui,
revendiquer pour soi. Je suis donc, d’ores en avant, assuré de La Surie.
    Nous sourîmes
tous à ce giòco, non point qu’il fût hors pair, mais pour ce que nous
attendions tous de Miroul qu’il le fît. Et que nous pouvions voir qu’il était
heureux d’avoir trouvé cette chute-là à son petit discours.
    — Monsieur
mon fils, dit le baron de Mespech, comme je le raccompagnai à sa chambre, le
bougeoir au poing, personne, hormis votre père, et se peut quelques dames, ne
peut vous aimer davantage que Miroul, ni se trouver en position, étant votre
quotidien compagnon, de vous faire plus de bien. Vous agîtes donc très bien en
l’établissant, et mieux encore, en quérant du roi de l’anoblir.
    — Quoi ?
Le roi vous l’a-t-il dit ?
    — Avec de
grands éloges de vous, ayant trouvé fort bon que, ne demandant rien pour vous,
ni pécunes ni titres (alors qu’il est plus mangé de quémandeurs qu’un chien de
puces) vous l’ayez prié pour Miroul.
    Mon bougeoir
allumé au bougeoir paternel et ma barbe frottée contre la sienne, et le
quittant, fort content de lui, de Miroul et de moi, je gagnai ma chambre, où
trouvant une lettre sur mon lit, je posai ma chandelle dessus mon chevet et la
lus.
     
    Monsieur
mon mari,
     
    Combien
qu’il soit mal, prétend-on, de se plaindre, et que ce soit péché chez une
femme – mais c’est le curé Ameline qui dit cela, et c’est un homme –,
j’oserais confier à ce papier combien je suis marrie que, depuis votre retour
au logis, nos sommeils soient désunis, vous contentant, quant à vous, d’une
coite fort roide, alors que vous pourriez avoir en la mienne tant de
commodités. Comme je ne suis pas, que je sache, tant vieille et décrépite, ni
épouse si acariâtre que vous deviez me faire l’injure de me fuir, couchant sous
le même toit que moi, j’augure que vos suspicions touchant ma personne ne sont
pas en votre pensement tout à plein résolues, ce qui ne laisse pas de m’étonner
prodigieusement, puisqu’en mai 1591 je vous ai donné un fils, preuve éclatante
que je n’étais pas, moi, frappée de stérilité comme le figuier de l’Évangile,
ou comme la personne avec laquelle vous m’avez trop longtemps confondue. Je
vous supplie donc de ne dépriser point les efforts que je fais présentement
pour effacer vos doutes, cette présente lettre ayant beaucoup coûté à ma
fierté. Je vous prie de me croire, Monsieur mon mari, quoi que vous décidiez et
jusqu’à la fin des temps, votre très humble et très dévouée servante.
     
    Angelina.
     
    Si j’avais
reçu cette lettre en 1590 au moment où Angelina m’avait annoncé, par la plume
de Florine, qu’elle était grosse, j’eusse été le plus heureux des hommes :
le lecteur se ramentoit sans doute qu’au rebours de Larissa qui écrivait avec
dol et labour un informe gribouillis sans grammaire et sans orthographe,
Angelina m’avait, dès sa première lettre, ravi par l’élégance de son écriture
et les mignardes tournures de son style : tant est qu’une lettre d’elle –
plus encore que sa fécondité – m’eût

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